L’actionnaire et les petits beurre

Nous sommes tous responsables de LU et Marks & Spencer. Les actionnaires n’y sont pour rien.
Ce sont les actes des consommateurs qui guident l’investissement, pour mieux nous servir. L’économie capitaliste est caricaturée par tous les gauchistes bien pensants, aussi bien en France qu’au Canada.
Les crises récurrentes du capitalisme, qui doit renouveler perpétuellement son réservoir de prolétaires en exploitant de plus en plus les quelques exploités qui ont encore la chance ou malchance de travailler le mènent à sa perte. Le Dieu Argent exigerait des sacrifices toujours plus grands! En Angleterre, les trains déraillent. La faute au capitalisme libéral. L’effet de serre ? La faute aux machines à vapeur inventées au siècle dernier, encore le capitalisme sauvage. Tchernobyl ? Oh pardon je me suis trompé de registre, je dénonçais les méfaits de l’économie capitaliste.
En France, nous avons aussi nos catastrophes libérales: pauvres dans nos rues, cités ghettos et souffrance sociale à tout va, jusqu’au harcèlement moral, bientôt reconnu comme maladie professionnelle et délit.
Ainsi les licenciements à Danone ou Marks & Spencer sont provoqués par la mystérieuse sphère financière. Complètement déconnectée de la réalité du monde elle broie les individus, alors que ceux qui s’y adonnent mène grande vie. Traders Londoniens et New Yorkais contre ourvier Calaisien: la lutte des classes version mondiale! Le capital anonyme et vagabond détruit les familles, brise les hommes et finalement ruinera notre belle planète. L’actionnaire est le nouveau criminel des temps modernes, puisqu’on compte ses victimes par milliers ou même par millions…

Pourtant, ce que nous avons coutume d’appeler l’économie, ou le marché, n’est que le reflet de nos gestes quotidiens. Tous nos choix se révèlent dans le marché. Les entreprises sont elles même des entités créées par les hommes pour agir dans ce marché. Les propriétaires des entreprises, les actionnaires, les méchants capitalistes, prêtent de l’argent à ces entités. Ils le font non pas par charité, mais en attendent un retour. L’argent n’est pas gratuit. Votre banque vous prend des agios peut être sur vos découverts répétés ? Et bien l’actionnaire attend un retour sur investissement, comme votre banque qui vous prête!

Ce retour, d’où vient-il ?
L’entreprise emploie des ressources pour produire.
Les salariés sont donc payés tous les mois, à un taux défini par le marché, si tant est que celui ci ne soit pas trop endommagé par l’Etat, ses salaires minimums et obligatoires, ses 35heures et autres machines à fabriquer du chômage.
Les fournisseurs eux aussi sont réglés. Même si les délais de paiement en France sont de près de 60 jours, ils émettent bien des factures. A noter ici que le plus mauvais payeur de France reste toujours l’Etat… 180 jours avec des pointes pour l’Assistance Publique (les hôpitaux) à 360. Quand à l’armée elle avoisine parfois les deux ans… mais passons!
Quand la production est réalisée, l’entreprtise peut la vendre. Il va falloir trouver des clients. Les convaincre que le produit est meilleur, plus beau. Que le service est de meilleure qualité, plus rapide. Que ceci ou cela. Bref, l’entreprise apporte une valeur nouvelle au client.
Tout cela n’est pas fait par altruisme, rappelons le. C’est du capitalisme qu’il s’agit.
La production vendue, il doit bien rester un petit quelque chose dans les caisses.
Plus l’entreprise crée de valeur en servant ses clients, plus elle fera de profits et enrichira les actionnaires. Et justement les actionnaires en veulent plus! A Danone, ils veulent plus que les 9% promis par LU, la marque de biscuits. 9% c’est beaucoup ? Moins que les 15% du secteur en tout cas: les usines LU de Danone sont donc des exemples de non création de valeur. Potentiellement, elles devraient en créer beaucoup plus. De l’énergie est donc gâchée à LU.
D’où les restructurations. On appelle ça l’économie de marché, l’économie capitaliste.

Mais les actionnaires ont d’autres problèmes. Car l’entreprise est un jeu risqué. On ne gère pas une entreprise comme on joue à SimCity. On ne produit pas selon le hasard: on détermine des productions. Les départements de R&D ne sont pas lancés sur des axes de recherche pour le bon plaisir d’un patron ou de l’actionnaire. Les départements marketing testent les produits, déterminent les prix. Les financiers regardent si les produits sont rentables et établissent les plans. Les stratèges imaginent le futur et le construisent. Rien n’est laissé au hasard. Même la créativité est managée, il existe aussi un management de l’innovation!

Si l’entreprise est gérée, c’est qu’elle doit faire face à des risques: sa clientèle d’abord. Comme je le disais, il faut trouver un marché où vendre :merci le marketing. La concurrence ensuite. A part les monopôles publics, il n’existe pas de marché qui n’aient pas ses entrants potentiels. Microsoft me direz vous? Vous ne connaissez pas le système « Linux » vous ? C’est gratuit, et finalement de plus en plus simple d’utilisation. Et au fait, je vous le dis comme ça, il ya même un remplaçant de Microsoft Office, Sun Star Office. Renseignez vous, c’est gratuit je vous dis!
Il y a toujours une possibilité de subsitution! Et puis à terme, si Microsoft par exemple s’endormait réellement sur ses lauriers, Microsoft disparaîtrait, comme d’autres géants avant elle. Bill Gates en est conscient puisqu’il dit lui même: « Microsoft is always two years away from failure ». Enfin, un risque non négligeable que prend l’entreprise, c’est celui de l’Etat. L’Etat soudain affamé peut soudain décider de taxer les bénéfices à 41.6%, comme cela est fait en France, contre 31.6% le jour précédent. Ou le même Etat peut passer une taxe de 18.6% à 20.6% comme cela s’est vu en 1995, quand Mr Juppé a augmenté la TVA, hop du jour au lendemain, décision du Chef, on discute pas! Et ne parlons pas des « 35heures », qui forcent toutes les entreprises à réduire le temps de travail des employés à 35h hebdomadaires.
Dans ces conditions, les bénéfices sont donc plutôt aléatoires et la répétition dans le temps de ces bénéfices est dûe aux talents des managers et des patrons. Oui, j’avoue je fais de la provoc, les ouvriers aussi y sont pour quelque chose. Mais le travail sur machine n’a pas la difficulté du choix marketing ou du difficile exercice de recherche de rentabilité d’un projet, il n’y a pas de décisions à prendre, on ne joue pas son poste sur des erreurs d’appréciation.
Les actionnaires eux sont tributaires de cette gestion. En cas de faillite, de baisse de leurs actions, personne ne vient les consoler. Personne ne vient compenser leurs pertes. Ils sont seuls responsables de leur patrimoine: les actionnaires supportent entièrement le risque.

Pour toutes les autres parties prenantes de l’entreprise, quelles sont les conséquences d’une baisse de l’activité, de la rentabilité, ou même d’une faillite ?
Au mieux, les salariés perdront des primes, et auront une pression accrue pour produire plus ou créer des projets rentables. Au pire, il perd son emploi. Dans un système libéral, comme aux Etats-Unis, il a peut être souscrit une assurance chômage privée, et il sait qu’il retrouvera du travail sous peu, car le marché de l’emploi est fluide. En France, il n’a pas de soucis à se faire, les « assurances » de l’Etat compenseront un temps la perte de son emploi. Ses facultés, il les conserve toutes: il est intact notre homme! Personne ne lui a coupé un bras. Il a été payé tous les mois. Et même quand il y a faillite, il touchera son dernier mois car il existe un organisme d’Etat pour lui verser au cas où l’employeur indélicat aurait oublié ses salariés.
De fait, l’employé y a gagné: il a engrangé de l’expérience, il a eu pendant un temps la sécurité du contrat de travail, l’assurance sociale « gratuite » associée au travail.
Le sort des cadres est sensiblement le même, hormis qu’ils subiront plus les effets d’une mauvaise gestion: ils en sont quand même les responsables! Leur sort est donc bien plus dur que le discours actuel laisse entendre.
Les fournisseurs risquent beaucoup en faisant affaire avec des entreprises au bord du gouffre. Mais il ont perçu des factures régulières avant de ne plus rien toucher. Ils ont bien retiré un revenu régulier du business. Au mieux ils n’en ressentiront pas l’effet d’une faillite car ils utilisent les services d’un « factor », une société d’affacturage. Dans le cas d’une baisse d’activité, c’est le business aussi!
Les banques qui ont prêté pourront être mises en difficulté. Mais elles sont toujours prioritaires par rapport aux actionnaires. Et elles ont touché des intérêts sur les sommes prêtées. D’ailleurs le taux contient une prime de risque calculée sur le risque de l’emprunteur. Les banques se protègent et ont un statut juridique quand vient la faillite.
Seuls à ne bénéficier d’aucune protection, on trouve bien sûr les actionnaires. Ils peuvent bien diversifier leur portefeuille, mais cela ne protège pas les actions qu’ils ont dans une entreprise. Si elle fait faillite, ils perdront tout. Et en cas de baisse des résultats de cette firme, ils perdront leurs dividendes et l’action perdra de la valeur. Personne ne viendra compenser cette perte. Alors qu’en cas de bons résultats, l’Etat vient se servir sur le bénéfice puis sur les revenus tirés des actions (CSG/CRDS=10%+25% prélèvements libératoires =35%, sachant que impôts sur les sociétés = 41.6% faites le calcul de ce que prend l’Etat: sur ce que devrait toucher l’actionnaire).

Les actionnaires ont donc une fonction au sein de la société capitaliste: ils assument le risque initial. Les mécanismes de marché, la Bourse, permet aux entrepreneurs de trouver des financements quand ils cherchent à créer des entreprises. Ils démontrent la validité d’un projet, et le marché se charge de récolter et de fournir les fonds.

Alors LU et Marks & Spencer, la faute à qui ?A nous ! Il faut penser à manger du LU à tous les repas, si on veut sauvegarder les usines de Calais et autres. Le marché n’est que le reflet de nos actions. Les marketeurs ont fait des prévisions trop belles pour LU: trop d’usines. Production minime. Marché saturé. Baisse de la rentabilité du groupe Danone. Les actionnaires perdent… Il faut agir. Soyons altruistes comme le sont les actionnaires: mangeons des LU. On se fera plaisir, et on sauvera les emplois menacés. Voilà qui nous apprendra à être responsables socialement. Car le marché n’est que le reflet de nos préférences…