Au détour de l’excellent Entrez Libres de l’ami cédric, j’ai pu lire une dépêche afp commentée par ses soins:
Jean-Pierre Raffarin s’est efforcé mardi de rassurer les altermondialistes sur la volonté de la France de lutter contre « l’ultra-marchandisation » du monde
ce à quoi répond Yannick Jadot de Greenpeace:
On entend M. le Premier ministre parler d’ultramarchandisation, un terme que nous-mêmes n’employons pas
Deux remarques:
1/ Greenpeace tombe le masque… ils n’en ont rien à foutre des baleines, mais par contre la mondialisation bouh c’est mal. Ils foutaient quoi pendant que l’URSS coulait des sous-marins nucléaires (réacteur compris) dans la Baltique ?
2/ tout terme à consonnance novlanguienne doit être au préalable approuvé par les altervocabulistes.
Quelqu’un se dévoue pour proposer à raffarin de se désaltérer ?
L’idéologie libérale sur-admise depuis quelques décennies notamment pour caractéristiques de tendre à inverser le sens des mots et des concepts afin que son discour paraisse plus évident, l’évolution de la société vers ses buts plus inéluctable. Plusieurs auteurs travaillant sur ce sujet parlent de concert de novlangue (newspeack en anglais) pour qualifier le sens de mot nouveaux ainsi que le glissement de sens. Alain Bihr notamment dans son livre La novlangue libérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste précise : « Le discours néolibéral (…) pour entendre la vérité en l’écoutant, il suffit d’en inverser les termes, comme entreprend de le faire cet ouvrage pour les principaux concepts-clefs de ce discours. Chacun d’entre eux apparaît alors soit comme un mot-valise qui passe son contraire en contrebande, soit comme un mot écran qui fait obstacle à l’usage de son contraire, soit même comme les deux à la fois. » Eric Hazan dans LQR, la novlangue du néo-libéralisme créé le concept de LQR (Lingua Quintae Respublicae), elle substitue selon lui aux mots de l’émancipation et de la subversion ceux de la conformité et de la soumission.
Cette expression de novlangue viens d’un roman de Georges Orwell, 1984. Dans une société totalitaire que l’on peut situer entre communisme et national-socialisme, la novlangue est une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l’expression des idées subversives et à éviter toute formulation de critique (et même la seule « idée » de critique) de l’État. S’opposant à l’ancilangue, « langue ancienne ».
A ce propos, il est intéressant de noter que la préface de Georges Orwell de La ferme des animaux a été censuré, ou en tout cas absente de la plupart des éditions. L’auteur y insistait sur le fait que son histoire n’était pas destinée à stigmatiser un régime par rapport à un autre mais plutôt à montrer les dangers qui menace toute société, y compris démocratique. Il y écrit que l’Angleterre n’a pas à se sentir en dehors de la problématique posé par ce livre : « Le remplacement d’une orthodoxie par une autre n’est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment. ».
La novlangue est la langue du pouvoir, pas celle des contestataires, elle est donc aujourd’hui en 2008 celle des libéraux et en aucun cas celle des altermondialistes. Relisez 1984 ou inventez un nouveau mot, les libéraux savent très bien le faire.