Les dernières élections auront eu le mérite d’enrichir le vocabulaire journalistique d’un nouveau terme très en vogue: la « démocratie participative ». Ce slogan a permis à certains, comme la liste Motivé-e-s à Toulouse, de gagner plus de 10% des suffrages à peu de frais (intellectuels), l’intégralité de leur programme résidant dans ces deux mots magiques, répétés avec repect et admiration par les médias français, comme s’il s’agissait d’une découverte fantastique, d’une formule magique à tous les maux dont souffre la société.
Quel journal, quel homme politique, quelle chaîne de radio ou de télévision ne s’est pas extasié sur ces nouveaux chevaliers blancs de la politique, issus des milieux associatifs (gage infaillible de respectabilité), porte-voix des exclus des cités, défenseurs d’une culture populaire? Il est d’ailleurs amusant de parler de réveil citoyen, de « nouvelle façon de faire de la politique », et d’apolitisme, quand on regarde un peu le parcours politique des leaders de la liste Motivé-e-s, par exemple: disque de chants révolutionnaires du groupe Zebda, financé par la LCR en personne il y a quelques années, passage par les Jeunesses Communistes pour certains… quel apolitisme!
Ce mouvement est animé par un rejet de la démocratie municipale actuelle, accusée de ne pas être à l’écoute des citoyens, des quartiers de banlieue, de ne pas soutenir comme il se doit la culture et les milieux associatifs. En bref, ces nouveaux conquérants de la démocratie dénoncent un système, où quelques élus agissent et décident, coupés de la base qui les a porté au pouvoir.
Qui sont-ils? Ces défenseurs de la « démocratie participative » sont les relais locaux du mouvement anti-mondialisation. Ils mènent au niveau local le même combat que celui livré par Attac, Le Monde Diplomatique and Co à une échelle plus internationale. Ils introduisent dans le débat politique de quartier la notion de « contrôle citoyen », déjà chère aux ennemis de la libéralisation internationale. Et, sans surprise, le « contrôle citoyen » en question prend la même signification dans la bouche des « locaux » que dans celle des « internationaux »: toujours plus de social, d’assistance, de moyens pour les associations (leurs associations), de subventions, d’aides, de sollicitudes, au profit, évidemment, de ceux qui savent se faire entendre (eux) et de leurs groupes de pressions. Ces Bové de proximité savent aussi bien ce qui est bon pour leurs voisins que José pour le monde entier. Leur seule qualité est d’être plus modeste (en terme d’échelle) dans leur désir profond de régulation et de mise au pas de la population selon leur schéma de société idéale. Mais sur le fond, la haine de la liberté individuelle est la même.
Cette « démocratie participative » vise à remplacer un système où quelques élus ont le pouvoir sur tout le monde par un système où « tout le monde » a le pouvoir sur « tout le monde ». Un nouveau système censé être plus juste mais en réalité encore plus dangereux car soumis à la loi de la rue exercée par une foule de décideurs sans légitimité aucune. La « démocratie participative », c’est donner les pleins pouvoirs au mégaphone. Dès lors que l’on instaure le principe de décision populaire pour la gestion de la cité, comment envisager que chaque communauté, chaque association, chaque mouvement ne placera pas en tête de ses objectifs l’obtention d’un maximum d’argent public et de pouvoir? Les gens qui appellent à ce changement de gestion ne sont pas innocentes puisqu’elles émanent quasiment exclusivement du milieu associatif, envers qui, estiment-ils, les municipalités ne sont pas assez généreuses.
On ne veut pas nous donner la part du trésor que l’on réclame? Réclamons donc le pouvoir de décider de sa répartition… et de l’augmentation des impôts qui l’alimentent!
La « démocratie participative » n’est pas une nouveauté, loin s’en faut. Sa tentative de mise en oeuvre la plus accomplie, la plus admirable sans doute aux yeux des Motivé-e-s et autres permanents associatifs déjà sur-subventionnés mais encore assoiffés, a été la création en URSS des Soviets. Voilà certainement où veut en venir ce nouveau courant ultra-gauchiste, promis à un bel avenir par tous les bien-pensants de notre pays, trouvant là certainement la chance inespérée de voir un ersatz de leurs rêves de jeunesse soixante-huitarde se réaliser.
Et voilà encore une nouvelle bataille en perspective pour tous ceux qui sont près à se battre pour la Liberté.
Contre cette nouvelle dictature en gestation qu’est le pouvoir de « tout le monde » sur « tout le monde ».
Pour le seul pouvoir légitime qui soit, le pouvoir individuel, le pouvoir de chacun sur soi et soi seul. La vraie Liberté.