Un petit rappel tout d’abord sur le terme » démocratie « : Régime politique dans lequel le peuple, c’est-à -dire l’ensemble des citoyens (sans distinction de naissance, de fortune ou de capacité), détient la souveraineté. La démocratie s’oppose à l’autocratie, à la théocratie, ou diverses formes de pouvoir où une personne détient le pouvoir, ou groupe déterminé par des critères précis, et niant aux autres tout accès au pouvoir. Ainsi, les communistes nient le droit de tous les autres partis à gouverner, les rois détiennent le pouvoir de droit divin, quand à d’autres ils font partie de l’élite naturelle et doivent donc gouverner. La démocratie promet d’abaisser la barrière dans la conquête du pouvoir et de permettre à l’ensemble des citoyens d’un territoire donné d’influer sur le pouvoir, d’y participer.
En France, voilà plus de 200 ans que la monarchie a été abattue, au profit de la république et de la démocratie. Pourtant, contrairement aux Etats-Unis, qui ont conservé la même constitution pendant plus de deux siècles, nous en sommes à la Vème République, avec autant de constitutions. En fait, les lois » organiques » de l’Etat français changent même plus souvent que cela, avec des adaptations de temps à autre : une pour le » quiquennat » (mandat du Président réduit à 5 ans), pour des transferts de souveraineté à Bruxelles, pour la » parité » (les quotas de femmes sur les listes électorales) etcetera. Je cite là quelques exemples, mais des experts pourraient certainement en trouver des tas : la Constitution n’est en rien figée, c’est une loi fondamentale certes, mais une loi faite par les hommes, et que les mêmes hommes peuvent modifier à leur gré.
la démocratie est-elle soluble dans les modes de scrutin ?
Comme partout ailleurs, la démocratie française est bien sûr du type » représentative « , le peuple souverain étant représenté par ses élus, législateurs, maires, assemblées diversesÂ… Les modes d’élection sont donc l’un des points clés du système politique : en effet, est-il plus démocratique d’avoir un scrutin à deux tours majoritaire ? un scrutin proportionnel ? Evidemment il y a des postes nominatifs, où une seule personne doit sortir vainqueur du scrutin, comme celle du Président, mais quid de la composition d’un conseil municipal ou d’une assemblée régionale ? Et l’Assemblée Nationale, celle des législateurs ?
L’imagination débordante des politiciens entre alors en action. Ainsi voici le mode de scrutin des élections régionales, dixit Le Monde : » dans le nouveau scrutin à deux tours, le quart du nombre des sièges à pourvoir est attribué à la liste ayant obtenu la majorité absolue au premier tour, ou le plus de voix au second. Cette attribution opérée, les sièges restants sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages, y compris celle arrivée en tête, suivant la règle de la plus forte moyenne. Seules les listes ayant recueilli plus de 5 % des suffrages au premier tour sont autorisées à se maintenir au second, la possibilité existant de fusionner avec une autre liste à partir de 3 % des suffrages. »
L’objectif : l’élimination de la diversité politique
Ouf, vous avez suivi ? Moi j’appelle ça faire une salade. Ce ne sont pas des règles claires, compréhensibles au premier abord. C’est un enchevêtrement technique qui cherche à éliminer les petits partis. Il existe aussi des tas de lois, comme celle sur les subventions aux partis, accordées seulement si le seuil de 5% des voix (exprimées ? inscrits ?) est dépassé. Il y a aussi les lois sur les campagnes légales d’information lors d’élections nationales : les partis y ont droit selon d’étranges modes de calcul, qui laissent 3 minutes par jour à un petit parti pour quelques heures pour un plus gros. Allez donc faire éclore un parti libéral là -dedans !
Maintenant Nicolas Sarkozy veut lui aussi rajouter sa touche. Sous Jospin, ce ne sont pas moins de 4 scrutins qui ont été modifiés. Le ministre de l’Intérieur veut accentuer la bipolarisation politique, et n’avoir qu’un grand parti de droite contre un grand parti de gauche. Politiquement, il ne risque rien : la mesure nuira au Front National, car il faut éviter « danger d’un arbitrage par les extrêmes « . Le Parti Socialiste englobera lui les Verts pastèques et les communistes, des rendez vous ont déjà eu lieu en ce sens. Les rouges vifs de la Ligue Communiste Révolutionnaire ou Lutte Ouvrière seront alors laissés à la porte, pas de place pour eux avec les nouvelles règles électorales.
Ainsi en France, la démocratie est à géométrie variable. Alors que 15 à 20% des Français votants (Front National) n’ont que 2 ou 3 maires et aucun député, 7% ont par contre un groupe à l’Assemblée Nationale (Parti Communiste) des dizaines de mairies etc. Et avec la réforme Sarkozy, qui soit dit en passant ne fait pas la une des journaux, les électeurs du Front National seraient définitivement jetés aux oubliettes.
De fait, il faut constater que la démocratie, aussi perfectionnée soit-elle, ne permet absolument pas de satisfaire le plus grand nombre, et qu’instrumentalisée par les lois sur les modes de scrutin elle va même museler une opposition qui se faisait trop pressante. Mais alors, que faire ?
En fait la démocratie n’a en rien réglé les problèmes de souveraineté. La démocratie règle un seul problème relatif à la politique : le mode de décision est perçu comme » plus juste « , et est mieux accepté par la population. Mais les décisions n’en restent pas moins contraignantes, même pour ceux qui n’ont pas voté pour le gouvernement au pouvoir. Et ceux qui ont eu la bêtise de voter pour les politiciens en place s’en mordent les doigts aussi (ceci est valable à toute époque, y compris aujourd’hui). Les votes des » perdants » ne valent rien, mais les votes des » gagnants « , ô misère, n’engagent les politiciens à rien non plus. Il n’y a pas de contrat, malgré le vocabulaire fallacieux des marqueteurs politiques, et il n’y a pas d’obligations. Comme l’a dit Charles Pasqua (droite), » les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » !
La démocratie n’est qu’un autre système politique
Et comme dans les divers régimes ayant précédé les démocraties, il y a toujours des groupes bénéficiaires du pouvoir et d’autres perdants nets. Les politiciens d’abord, les syndicalistes, les fonctionnairesÂ… de l’autre côté il y a les » riches « , les » profiteurs « , les » capitalistes « , mais aussi des victimes anonymes comme la secrétaire qui perd son job pour cause de 35heures et d’impôts trop lourds, ou l’étudiant qui n’arrive pas à se logerÂ… Au fond, la démocratie, ce n’est que la loi du plus fort remise au goût du jour : 50% + 1 voix et il devient légal de dépouiller sa victime, à choisir parmi les 49% restant de préférence. Qui osera le dire ça ?
Mais peu importe, personne ne semble remettre en cause le Dogme démocratique, l’horizon indépassable de l’organisation politique. Personne en France ne veut savoir qu’il ne peut exister qu’une seule souveraineté, celle de l’individu libre. Qu’il n’existe qu’un seul système permettant la prise en compte des besoins de tous et de leur expression, et que ce moyen c’est le marché. Que la démocratie n’est qu’un mode de prise de décision parmi d’autres, avec ses avantages et ses inconvénients.
Pour conclure, car les thèmes abordés ci-dessus mériteraient à eux seuls de longs articles, je vous livre cette citation, tout à fait hayékienne, de Proudhon :
» Qu’était-ce que la monarchie? la souveraineté d’un homme. Qu’est-ce que la démocratie? la souveraineté du peuple, ou, pour mieux dire, de la majorité nationale. Mais c’est toujours la souveraineté de l’homme mise à la place de la souveraineté de la loi, la souveraineté de la volonté mise à la place de la souveraineté de la raison, en un mot, les passions à la place du droit. »
Articles ayant servi de base de réflexion :
TF1.fr
Vitrolles, commune des Bouches du Rhone, a vu trois fois en 7 ans son élection annulée.
Les deux premières fois, ce fut pour des histoires de « racisme », car Bruno Mégret et sa femme Catherine ont eu des propos durs envers des immigrés, ou pour une histoire de prime de naissance aux Européens (légale par ailleurs, le Conseil de Paris en avait voté une dans les années 80).
Mais maintenant c’est la 3ème fois que les Vitrollais votent mal, et donc il fallait trouver un prétexte.
Et comment ? Facile: il suffit de distribuer un tract diffamant un candidat, de préférence un adversaire des Mégret. Diffamer les Mégret de toute façon c’est impossible: on ne saurait être assez féroce dans la dénonciation de leur idéologie immonde pour convaincre un tribunal que c’est de la diffamation.
Le tract a donc été distribué 10 jours avant le 1er tour, accusant le candidat de droite de corruption ou je ne sais quoi. Catherine Mégret a été élue avec 45% des voix au second tour, quand le candidat de droite a fait 19% (de mémoire). Mais le tract a permis de remettre en cause l’élection!
Le tribunal administratif en 1ère instance a refusé l’annulation. La cour d’appel a confirmé le jugement. La cour de cassation a trouvé la procédure régulière. Et donc… il a fallu que ce soit le conseil constitutionnel qui s’en mêle! Un tract anonyme diffamant un candidat est propre à modifier une élection. Et dire qu’entre le 21 avril et le 6 mai on a eu 24h/24 de propagande à la télé, je suppose que le cours de l’élection n’a pas été modifié peut-être ? Mais passons. Catherine Mégret a donc été déchue de son mandant, et Vitrolles va avoir sa 4 élection en 7 ans.
Bienvenue en France, ça s’appelle la démocratie: vous revoterez jusqu’à ce que vous votiez correctement. Avec la dissolution d’Unité Radicale (mouvement que j’exècre par ailleurs), que reste-t-il de la liberté politique ?