« Disons-le: les crimes de violence commis pour des mobiles personnels égoïstes sont historiquement insignifiants par rapport à ceux que l’on a perpétrés ad majorem gloria Dei, par esprit de sacrifice à un drapeau, un chef, une croyance religieuse ou une conviction politique. »
Arthur KOESTLER Les convictions authentiques finissent par apparaître à la suite d’un drame aussi monumental que celui du 11 septembre. Dans le camp libéral le spectre des différences s’élargit, signe d’une incohérence ou d’une richesse, selon le point de vue. Guy Millière nous somme dans son article, A la guerre comme à la guerre (www.les4verites.com), de choisir notre camp avec des arguments très forts mais contaminés par des abstractions collectivistes et un animisme pénible: « L’Amérique est en colère », « l’Amérique est déterminée ». Les individualistes méthodologiques en perdent leur latin. Et puis ce ton de chef de guerre ne sied pas à un intellectuel mais éventuellement à un homme politique. N’est pas Churchill qui veut et même lui était bien plus adroit dans sa rhétorique guerrière. « Tous les foyers d’islamisme fanatique sur la planète devront être réduits », « Tous les régimes qui soutiennent l’islamisme et le terrorisme doivent être renversés », « Et les musulmans modérés, s’ils existent » devront nous aider. Comment compte-il le faire sans mettre le monde à feu et à sang? Diable! Et pendant qu’on y est, instaurons en France une bonne dictature, bien plus efficace pour mener une guerre. Churchill pouvait être remercié à tout moment par une majorité moins belliciste. Gênant tout cela. Je propose à Millière de prendre son fusil d’assaut et de s’engager. Mais qu’il abandonne, en attendant, ce ton grandiloquent, à des années-lumière de la culture libérale.
Par ailleurs mon camp est choisi, c’est celui de la « civilisation occidentale » telle que la conçoit Martin Masse qui écrit dans son édito du Québécois libre ( http://www.quebecoislibre.org/010915-2.htm ): « Ce qu’il faut d’abord c’est revenir aux sources de ce qui fait la grandeur de la civilisation occidentale et combattre la violence collectiviste avec l’arme de la liberté en commençant par chez nous. »
S’il faut se battre contre un ennemi et risquer sa vie pour la liberté, j’espère ne pas être parmi les derniers. S’il faut livrer un combat churchillien, nous le ferons. Mais ne nous trompons pas de combat. Dans la civilisation occidentale, il y a un élément commun avec les fanatiques que nous combattons: le collectivisme. A des degrés différents, je l’admets. Mais tout de même, la guerre que nous annonce Guy Millière est moins une guerre de civilisations, une « culture clash », qu’une guerre entre des Etats, ou contre des Etats, fussent-ils plus « civilisés ». Certes, même si l’Etat est un mal en soi, tous les Etats ne sont pas moralement équivalents comme l’abécédaire libertarien a tendance a nous le faire croire. Ayn Rand, elle-même, écrivait: « Il y a une différence entre un pays qui reconnaît le principe des droits individuels, sans le concrétiser totalement, et un pays qui le nie et s’en moque explicitement. »(La vertu d’égoïsme, Les Belles Lettres, p.172). Toutefois, lire l’histoire des individus au travers de celle des civilisations peut nous conduire à laisser échapper la compréhension du mal qui nous ronge. Ce mal est celui de l’interventionnisme étatique, économique ou géopolitique. Concevoir l’histoire du monde comme celle d’une croisade religieuse nous permettra peut-être de repousser les barbares mais confortera aussi l’Etat contre l’individu. Nous savons bien que à quel point les deux guerres mondiales ont permis à l’Etat d’étendre son pouvoir.
L’échange libre et la force pour tenir en respect les agresseurs, c’est tout ce qu’il nous faudra après cette guerre. Et cette force devra se privatiser le plus possible afin de mettre fin au vol légal de l’impôt. Il faudra renoncer à l’ordre politique mondial, à l’Etat mondial, à la démocratie mondiale. Il ne sera pas difficile de conserver notre supériorité technologique, scientifique, économique, militaire et de la mettre au service de l’individu et de la liberté. Cette supériorité provient de la culture rationaliste occidentale qui ne doit rien aux Etats en tant que tels. Cette supériorité n’a nul besoin des Etats parasites pour se réaliser. Elle est le fruit de l’intelligence et de l’esprit individuels, comme l’exprime d’ailleurs la « déclaration de Bernstein » qui sera distribuée lors de la « Marche pour le capitalisme ».
Ce qui m’échappe chez les tenants d’une guerre de civilisation, c’est qu’ils n’ont pas l’air de s’apercevoir que l’aspect capitaliste et individualiste auquel nous tenons tant est depuis longtemps menacé par ce qui est peut-être la cause principale de la violence anti-occidentale: le mondialisme, l’Etat mondial, l’ONU, toutes ces institutions politiques et donc coercitives qui sont dominées par l’Etat le plus puissant. Le socialisme mondial et l’économie mixte ont depuis longtemps miné notre « civilisation ». Je ne crois pas une seule seconde que c’est la civilisation occidentale qui est visée, c’est le pouvoir politique qui n’est qu’une excroissance de la civilisation occidentale. Lorsque le pouvoir politique impose par la contrainte ses propres valeurs, la violence devient une réponse rationnelle. L’Etat accueille les immigrés de manière irresponsable au lieu de laisser le contrat et la propriété privée réguler l’immigration. Aujourd’hui ceux que l’Etat a accueillis se retournent contre lui et tout ce qui s’y rattache. La guerre de religion que certains voient à l’intérieur de nos frontières n’est qu’un effet d’une série d’actes irresponsables de l’Etat en matière d’immigration et de politique sociale.
Enfin, une pensée qui identifie la civilisation et l’Etat conduit à confondre guerre de civilisation et guerre entre Etats ou contre un Etat. Des innocents, qui n’en ont pas moins approuvé leur Etat lorsqu’il intervenait pour en faire mourir d’autres, ont été victimes de ce qu’il y a de mauvais dans notre civilisation et les autres: le collectivisme, les abstractions collectives, le pouvoir politique.