Je tire de minefi.gouv.fr le texte ci-dessous signé « Conseil pour la diffusion de la culture économique – Conférence de presse – 4 septembre 2006 – », jour de l’installation du « fromage » :
« Les Français et l’économie.
Perception, connaissances et attrait.
Les indications sur le niveau de connaissance des Français en matière économique en 2006 sont issues de trois enquêtes commanditées par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie:
1. étude auprès des jeunes (18-25 ans) réalisée par BVA sur l’économie (mars 2006),
2. étude grand public, Sofres sur l’économie (février 2006),
3. étude grand public, Sofres sur la dette et le déficit public (mars 2006)
De ces différentes enquêtes il ressort :
Une connaissance limitée aux indicateurs économiques liés à la vie quotidienne et plus faible encore sur les notions macro-économiques.
Une connaissance surévaluée du taux de chômage !
4 personnes sur 10 donnent une réponse juste sur le taux de chômage en France aujourd’hui (43% citent 9 ou 10% de la population active).
33% surévaluent ce taux et, parmi elles,
22% estiment qu’il est à plus de 15% de la population
active.
Les jeunes sont plus nombreux encore à le surévaluer. 40% donnent un montant supérieur à 10%.
Le taux de croissance est connu d’un tiers des Français.
33% des Français répondent correctement sur le taux de croissance en France actuellement « entre 1% et 2% ».
15% s’approchent du taux exact en répondant « entre 2 et 3 % » (chiffre également annoncé et médiatisé en début d’année).
35% sont incapables de répondre à cette question.
Les moins de 25 ans évaluent plus difficilement cet indicateur.
22% connaissent le niveau du taux de croissance.
Un peu moins d’un tiers des jeunes ne savent répondent à cette question.[…] »
J’arrête là – épuisé par la lecture – la reproduction du texte.
Je ne saurais trop me porter en faux contre des éléments de cet extrait qui font miroiter le futur conditionnement que le « char d’assaut » du Codice va tenter d’infliger.
D’une part, parler d' »une connaissance surévaluée du taux de chômage » est vide de sens.
1) De quel taux de chômage est-il question ? A coup sûr, de celui que les autorités annoncent et à quoi ils veulent faire croire, bref du taux officiel. Il conviendrait de sortir de la population active les fonctionnaires qui ne sauraient être mis au chômage ! 4 personnes sur 10 ne donnent donc pas une « réponse juste », mais répète le sophisme « officiel ». Et cela ne saurait être un signe de la culture économique.
2) Une connaissance ne saurait être surévaluée ! Avant de vouloir diffuser quoi que ce soit, il s’agirait de maîtriser la définition des mots.
Tout cela augure bien mal de l’avenir.
D’autre part, parler d’un « taux de croissance en France » est tout autant sans signification pour ne pas souligner l’inanité de l’expression « un niveau du taux de croissance ». A quand le taux du niveau du taux … du niveau du taux de croissance !
Dans ces conditions, que « 35 % soient incapables de répondre à cette question » est, au contraire, bien encourageant et tant mieux qu' »un peu moins d’un tiers des jeunes ne [sachent] pas répondre » – ce n’est quand même pas assez –
Comme on pouvait le lire sur le site http://www.lewrockwell.com/paul/paul311.html en mars 2006, sous la plume de Dr. Ron Paul, a Republican member of Congress from Texas, le problème de la culture économique n’est pas dans ce que va vouloir faire croire le Codice, mais gît dans le fait incontournable que :
« […] Year after year our […] government spends beyond its revenues, prints new money to pay its debts, and borrows hundreds of billions abroad in the form of Treasury obligations that someday must be paid. With too many [euros] and debt instruments in circulation, and no political will in [Paris] to cut spending, we’ve created a monster.
Our perceived prosperity depends on keeping the great debt and credit engine pumping, but the only way to attract new lenders to fuel the engine is higher interest rates. At some point one of two things must happen: either the party in [Paris] ends, or the [strength of the euro] as [a] world’s reserve currency ends. It’s a sobering thought, but a choice must be made.
How did this happen?
How did we get to such a state?
The answer is found in the nature of politics itself.
The truth is that many politicians and voters essentially believe in a free lunch. They believe in a free lunch because they don’t understand basic economics, and therefore assume government can spend us into prosperity. This is the fallacy that pervades [French] politics today.
I believe one of the greatest threats facing this nation is the willful economic ignorance of the political class. Many of our elected officials at every level have no understanding of economics whatsoever, yet they wield tremendous power over our economy through taxes, regulations, and countless other costs associated with government. They spend your money with little or no thought given to the economic consequences of their actions. It is indeed a tribute to the [French] entrepreneurial spirit that we have enjoyed such prosperity over the decades; clearly it is in spite of government policies rather than because of them.
I certainly have seen firsthand a great deal of economic ignorance in [le gouvernement ou le Parlement] over the years. Few members pay any attention whatsoever to the [Banque centrale européenne], despite the tremendous impact [BCE] policy has on their constituents. Even many members of the banking and finance committees have little or no knowledge of monetary policy. Perhaps this is why so many in [le gouvernement ou le Parlement] seem to believe we can all become rich by printing new [euros], or that we can make 2 + 2 = 5 by taking money from some people and giving it to others.
We cannot suspend the laws of economics or the principles of human action any more than we can suspend the laws of physics. Yet this is precisely what [le gouvernement ou le Parlement] attempts to do time and time again, no matter how many times history proves them wrong or economists easily demonstrate the harms caused by a certain policy.
I strongly recommend that every [French] acquire some basic knowledge of economics, monetary policy, and the intersection of politics with the economy.
No formal classroom is required; a desire to read and learn will suffice.
There are countless important books to consider, but the following are an excellent starting point:
– La loi de Frédéric Bastiat;
– Economics in One Lesson (en français, Economie politique en une seule leçon) by Henry Hazlitt traduit en français aux Editions de l’Institut Charles Coquelin ;
– What has Government Done to our Money? by Murray Rothbard;
– The Road to Serfdom by Friedrich Hayek traduit en français aux PUF (coll. quadrige) ; and
– Economics for Real People by Gene Callahan.
If you simply read and comprehend these relatively short texts, you will know far more than most educated people about economics and government.
You certainly will develop a far greater understanding of how supposedly benevolent government policies destroy prosperity. If you care about the future of this country, arm yourself with knowledge and fight back against economic ignorance. We disregard economics and history at our own peril. »
Vous aurez remarqué que j’ai transposé, directement et sans difficulté, à ce qui se passe en France le texte de Ron Paul – en le caviardant à certains endroits –.
Cela suffit à faire apparaître qu’il existe des lois économiques générales qui s’imposent dès lors qu’on vit en société.
C’est la connaissance de ces lois générales qu’il faut avoir. C’est cela la culture économique. A chacun de lire les livres cités pour l’avoir. Pas besoin d’un Codice.
Ce conseil a-t-il prévu des cours intensifs de rattrapage pour les membres du gouvernement et plus particulièrement le Premier Ministre ?
Je suis en train de lire « L’Economie Politique en une leçon » de H.Hazlitt et je suis émerveillée par la simplicité et le bon sens de cette « leçon », moi qui avais crû ne jamais rien pouvoir comprendre à l’économie! C’est très encourageant et rassurant, et ça donne envie de continuer plus avant dans ce domaine de connaissance.
Cela permet aussi de juger les faits et méfaits de nos dirigeants avec beaucoup plus de clairvoyance.
Pour continuer dans cette bonne voie, je ne saurais trop vous conseiller de lire la pensée à la base du livre de Hazlitt, une pensée qui n’a pas vieilli d’un neurone bien qu’elle lui soit antérieure de près de cent ans : je veux parler de celle de Bastiat dans son livre intitulé « Harmonies économiques » (cf. par exemple http://blog.georgeslane.fr/category/Harmonies-economiques)
Sous prétexte de la création de ce « fromage » du Codice, les médiats nous ont informé fin octobre 2006, par exemple Les Echos du 20 octobre, qu’a démissionné le président de l’IEFP – cf. notre billet sur la création du « fromage » dénommé « Institut pour l’éducation financière du public » et le don de sa présidence à l’ancien député communiste Philippe Herzog : http://www.pageliberale.org/?p=1432 -.
Néanmoins, notre homme reste membre du Conseil d’administration car il veut que sa démission soit avant tout un détonateur et non un abandon…
Voilà donc un nouvel épisode de la guerre des « fromages » pour l’obtention du butin.
Tout à fait Georges.
Ce n’est pas demain la veille que l’éducation économique deviendra accessible.
Le Codice assimile, comme beaucoup, des lambeaux d’information à de la connaissance.
Par exemple, DdV a intronisé comme suprémo économique Thomas Piketty qui pratique « l’économie » comme thérapie.
Tom a raconté comment il a souffert dans sa jeunesse de la pauvreté de ses parents. Il est devenu « économiste » des inégalités et il s’en fait une tribune pour pourchasser le « riche ». Il ne résoudra pas ainsi son problème personnel et il enfonce encore davantage ceux qu’il fait mine d’aider. C’est un statisticien. C’est comme si un statisticien des gélules, pilules, comprimés, gouttes, etc. imbattable sur l’histoire, le nombre et la forme de ces petites bêtes se déclarait pharmacien.
Si Tom était seul, ça passerait . Malheureusement ses semblables grouillent dans la profession, sous des formes diverses mais tout aussi trompeuses.
Et puis, Georges, si les textes que tu recommandes sont excellents, ils demandent déjà de courir alors que l’on ne nous a pas appris à marcher. J’ai mis une bonne dizaine d’années à me faire un aide mémoire de ce qui serait l’analogue des règles des opérations, et des tables en arithmétique, ou de faire une liste complète des règles du jeu d’échecs à partir de la description d’un grand nombre de parties compliquées. Ce n’est pas facile. Sans doute beaucoup sont plus doués que moi. Ils devraient nous dire comment ils font et quelles sont les commencements des bases. Où cela se trouve-t-il ? Je serais très intéressé de voir, de comparer, de compléter. Au lieu de cela quand on cherche, on bute, bille en tête dans les manuels, sur les descriptions, implicites, d’un être humain, sans subjectivité, sans libre arbitre une fois posées des hypothèse limitées, qui passe instantanément des prémisses aux conclusion, alors que le passage du temps et les évolutions auxquelles il préside dans la vie courante est si important ; on passe à un être macro-économique simplet avec ses quelques hochets qui servent à toutes les sauces. Va t’y retrouver.
Merci pour le commentaire.
Un petit point, néanmoins très important.
Je pense que la proposition « le passage du temps et les évolutions auxquelles il préside dans la vie courante est si important » est à manier avec grande précaution, elle prête le flanc à des analogies absurdes avec certaines sciences physiques…
Le point de départ qui permet d’inclure « l’être humain, avec sa subjectivité, son libre arbitre » sans tomber dans le travers précédent est le fait qu’il ignore l’univers où il vit et dont il est un élément, i.e. par métonymie, son ignorance.
Vous ignorez, j’ignore « et on se soigne… »., i.e. on mène des actions…
Et nous voilà dans la vraie science économique: l’explication des actions des êtres humains dans l’ignorance respective de chacun, une ignorance que chacun essaie de réduire car il l’évalue coûteuse, une ignorance que l’esprit humain a réduite depuis la nuit des temps et ce n’est pas fini : sa réduction porte un nom, c’est la vraie science, et la méthode de réduction porte aussi un nom, malheureusement le même, c’est la vraie science.
Le Codice est un « fromage » qui procède de « fromages » – vous en citez quelques-uns – et dont il ne résultera que des « fromages » jusqu’à ce que les contribuables disent « stop aux fromages »..
Merci Georges pour cette réaction rapide et ces éclaircissements.
Je comprends la méfiance quant à la proposition “le passage du temps et les évolutions auxquelles il préside dans la vie courante est si important â€.
C’est en effet un peu bref.
Voici ce que j’avais en tête, par exemple
L’économiste orthodoxe mathématicien pose ses hypothèses : êtres humains dotés de lois de comportement, données de l’environnement – dotations, contraintes, …. Il va chercher quel est l’état d’équilibre final. C’est un calcul d’optimisation. Dans ce calcul le temps entre le point de départ et le point d’arrivée disparaît. Or que se passe-t-il dans la vie courante. Au bout d’un pas de temps, du fait des comportements des acteurs, ces acteurs se retrouvent chacun dans son coin devant de nouvelles données. Ils les réévaluent selon leurs modes de comportements personnels : adéquation avec leurs projets, évaluation des moyens, classement des préférences, calcul des coûts et des gains, etc. Ils agissent en conséquence. Le résultat est un point de départ pour le pas de temps suivant. Les « données » ont changé. L’économiste mathématicien a perdu le fil qui le conduisait de ses hypothèses à ses conclusions car la subjectivité, le libre arbitre des acteurs ont joué, compliqués par le fait que les états de connaissance et d’ignorance des acteurs sont différents. Et ainsi de suite pour chaque intervalle de durée suffisante pour permettre des adaptations.
Ce processus trouve sa place dans le paragraphe : « Et nous voilà dans la vraie science économique: l’explication des actions des êtres humains …. » dont je retiens la formulation.
Zozo a écrit :
« L’économiste orthodoxe mathématicien pose ses hypothèses : êtres humains dotés de lois de comportement, données de l’environnement – dotations, contraintes, …. Il va chercher quel est l’état d’équilibre final. C’est un calcul d’optimisation. »
OK
« Dans ce calcul le temps entre le point de départ et le point d’arrivée disparaît. »
Pas toujours. Quand il ne disparaît pas, on est dans la « mécanique économique ».
Mais l’important est que l’économiste se moque du temps physique. Il est sensible au coût à quoi l’évalue l’être humain qui agit, au « coût de transaction ».
Jusqu’à la décennie 1970, le mathématicien qui disait faire de la théorie économique faisait abstraction des coûts de transaction, … pour, d’après lui, simplifier ! Grosse erreur.
Plus grave, je l’ai déjà écrit sur La Page Libérale :
de même que les mathématiques ne sauraient être réduites à la logique (cf. Poincaré), de même, la science économique ne saurait être réduite à quelque domaine mathématique que ce soit.
On remarquera d’abord que :
« Ce qui compte en mathématiques ne sont aucunement les choses, mais les relations qui existent entre elles » (Omnès, 1994, p.107)
Omnès, R. (1994), Philosophie de la science contemporaine, Gallimard (coll. Folio, essais), Paris
Les mathématiques se moquent donc des « êtres humains dotés de lois de comportement ».
De plus :
« Pour ma part, je chéris l’aphorisme de Sussman .
En mathématiques, les noms sont arbitraires.
Libre à chacun d’appeler un opérateur auto-adjoint un ‘éléphant’, et une décomposition spectrale une ‘trompe’.
On peut alors démontrer un théorême suivant lequel ‘tout éléphant a une trompe’.
Mais on n’a pas le droit de laisser croire que ce résultat a quelque chose à voir avec de gros animaux gris » ( I. Ekeland, 1984)
Ekeland, I. (1984), Le calcul, l’imprévu (Les figures du temps de Kepler à Thom), Seuil, Paris, p.123
Bref, un « être humain doté de lois de comportement » ne peut être qu’un résultat mathématique mais sans relation avec ce que vous êtes, ou avec ce que je suis.
On ne saurait manquer de donner raison à Tjalling C. Koopmans, quand il dit que :
« […] la justification de l’économie mathématique dépend simplement de la question de savoir si les chaînes de raisonnement logique entre les prémisses de base que les économistes ont postulées et nombre de leurs implications observables ou bien intéressantes, peuvent être établies plus efficacement à travers un raisonnement mathématique ou un raisonnement verbal ».
Tjalling C. Koopmans, « On the Use of Mathematics in Economics », The Review of Economics and Statistics, vol XXXVI, 1954, p. 378.
Le problème est que Koopmans ne semble pas avoir compris quel est l’objet d’étude de l’économie, puisqu’il ajoute ensuite :
« […] je ne peux manquer d’ajouter que cela ne fait que peu de temps qu’on a démontré complètement le caractère non contradictoire des prémisses de la théorie de l’équilibre général concurrentiel, et que cela fut fait au cours d’une série d’études utilisant l’outillage topologique qui jusqu’à ce moment n’avait pas été utilisé en économie. Existe-t-il un thème plus fondamental dans la théorie économique contemporaine? Existe-t-il une technique moins familière, tant aux économistes mathématiciens qu’aux économistes littéraires ? (Ibidem, p. 378.) » (c’est moi qui souligne).
En premier lieu il faut signaler à nouveau que ce qu’on a réussi à démontrer était l’existence et l’unicité de l’équilibre, mais non le « caractère non contradictoire des prémisses ». Comme nous l’avons vu précédemment, […] D’un autre côté, la démonstration en question fut réalisée avec tant des suppositions irréelles introduite par pure convenance (comme dirait Baumol) mathématique (en d’autres termes pour qu’elle donne le résultat désiré), que cette théorie ne peut être qu’un bon exercice intellectuel mais sans aucune capacité d’expliquer le fonctionnement réel du marché.
En second lieu, et combien plus important, il existe bel et bien des thèmes plus fondamentaux. L’objet de l’étude des économistes est le « processus » du marché et non l' »Ã©quilibre » ; ce dernier occupe une place totalement secondaire. […]
« Autant les économistes logiciens que les mathématiciens affirment qu’en dernière instance l’action humaine vise à l’établissement d’un état d’équilibre, et qu’elle atteindrait celui-ci si cessaient tous les changements futurs dans les conditions. […] La description mathématique de divers états d’équilibre n’est qu’un jeu. Le problème est d’analyser le processus de marché […]. Les problèmes de l’analyse des processus du marché, les seuls problèmes économiques qui soient importants, défient tout traitement mathématique. L’introduction du temps comme paramètre dans les modèles n’est pas une solution. Cela est bien loin de pallier les défauts fondamentaux de la méthode mathématique. Affirmer que tout changement nécessite du temps et que le changement est toujours inhérent à la séquence temporelle n’est rien d’autre qu’une manière d’exposer le fait que lorsqu’il y a rigidité et absence de changement, il n’y a pas de temps. La principale déficience de l’économie mathématique ne se trouve pas dans le fait qu’elle ignore la séquence temporelle, mais de ce qu’elle fait comme si le processus de marché n’existait pas »( Ludwig von Mises, Human Action, pp. 355-6). (Cachanovsky, p.79)
Quand Baumol affirme que :
« les clichés à deux sous comme quoi ‘l’économie n’est pas une science exacte’ ou ‘la nature humaine ne peut pas être fourrée dans des équations’ ne méritent guère qu’on les prenne en considération »,
William J. Baumol, op. cit., p. 116
il occulte justement la clé du problème, parce qu’il est parfaitement vrai que « l’action humaine ne peut pas être fourrée dans une équation », et que prétendre le faire est toutà fait incorrect du point de vue scientifique. Par exemple, expliquer les choix du consommateurs au moyen de « courbes d’indifférence » est et aura été l’une des plus grandes absurdités produites par l’économie mathématique.
Le développement et la diffusion de l’économie mathématique a créé le mythe suivant lequel l’exposition verbale serait une « charlatanerie » de doctrinaires, alors que l’approche mathématique serait « scientifique ». Ce mythe-là n’est rien d’autre qu’une superstition, même si elle est réservée aux « évolués ». Le succès qu’a obtenu l’utilisation des mathématiques dans les sciences de la nature n’implique pas que l’on doive appliquer la même méthode dans les sciences sociales pour atteindre le niveau scientifique. Au contraire, l’utilisation de formules mathématiques en économie a retardé son avance. À cet égard, Hayek a proposé le terme de « scientisme » et de »scientiste » pour décrire l’imitation de la méthode des sciences naturelles de la part des « scientifiques » sociaux :
« […] dans le sens où nous utilisons ces termes, ils décrivent évidemment une attitude qui est décidément a-scientifique dans le vrai sens du terme, puisqu’elle implique une application mécanique et non-critique d’habitudes de pensée à des domaines différents de ceux pour lesquels elles ont été créées. Le point de vue scientiste, envisagé à l’aune de l’approche vue scientifique n’est pas une démarche sans de préjugés : elle en surabonde, puisqu’avant de considérer quel est l’objet de son étude, elle prétend savoir quelle est la manière la plus appropriée de l’explorer »( Friedrich A. Hayek, The Counter-Revolution of Science, Liberty Press, 1979, p. 24).
Cette déformation de la profession est très influencée par l’enseignement que l’on donne aux étudiants en économie dans les universités, qui n’a pas seulement des effets épistémologiques, mais aussi, directement, en politique économique. Dès leurs premiers pas dans la discipline, on expose les étudiants à l’économie mathématique. De là , on les soumet à une lecture intensive de livres et d’articles qui exposent différents modèles mathématiques, suivant les courants à la mode et les « avances » obtenues dans leur perfectionnement. À la fin de son parcours, l’étudiant s’est converti en un « modèle » d’économiste dirigiste. Ceux qui arrivent à occuper un poste public approprié essaieront d’appliquer à la réalité l’un de ces modèles mathématiques irréalistes (les plus malins inventant des modèles à eux). Ils commencent donc à manipuler des taux d’intérêt, des taux de change, des tarifs douaniers, des comptes bancaires, des prix, des salaires, etc., à la lumière de ce que leurs modèles leur annoncent qu’il se produira (avec un certain écart-type). Le degré de dirigisme peut être variable, depuis ceux qui croient qu’il faut manipuler toutes les variables à ceux qui croient qu’il ne faut en manipuler qu’une (par exemple, l’offre de monnaie d’après une certaine « règle » que le modèle recommande). Aussi bien, dans le même degré de dirigisme, le « type » d’intervention peut varier : certains pensent qu’il faut contrôler les variables A, B et C et d’autres les variables W, Y et Z. La combinaison de tous les degrés et types de dirigisme fournit une grande quantité d' »expériences » possibles à mettre en pratique.
Quand chacune de ces expériences conduit à son échec inévitable, les technocrates cherchent la solution au mauvais endroit ; au lieu de penser que l’erreur tient au fait même d’imposer sa volonté, ils pensent que ce qu’ils doivent faire, c’est « raffiner » le modèle, et travaillent avec empressement à inventer une autre chimère. L’éducation reçue à l’université les empêche pratiquement de penser à une autre éventualité : l’économie mathématique les a éloignés du problème que tout économiste devrait connaître : comment le marché fonctionne dans la réalité. Ils sont bien peu nombreux, les économistes qui prennent une minute pour penser à ce qu’ils sont en train de faire ; l’emploi des mathématiques est une « donnée » qu’on ne met pratiquement jamais en cause. Cependant, comme toute erreur, il est condamné à disparaître avec le temps. » (Cachanovsky, pp.79-81)
Merci à Cachanovsky pour son texte.
Encore merci Georges pour cette discussion, ces références, ces intéressantes précisions théoriques.
Mon point de départ est différent. C’est le spectacle de cas concrets où l’on se trouve naturellement dans un schéma de processus et non pas d’un équilibre – quel qu’il soit.
Trois exemples. Comme les trois ours, un gros, un moyen, un petit, tous également éclairants pour la compréhension.
Le premier, un très gros projet industriel qui s’étale sur des années, et fait appel à des fournisseurs sur les cinq continents.
La définition s’affine au fur et à mesure que le temps avance et même encore lors de la réalisation. Dans certains choix de détails cela se passe jusqu’aux derniers moments. On est surpris de voir apparaître des fournisseurs auxquels personne – pas même des économistes mathématiciens – n’aurait pensé au début. Ceci même en dehors de toute pression politique. (Au passage, chapeau à certains qui travaillent chez Airbus et qui doivent s’efforcer de fournir des ajustements face à des situations abracadabrantes dans ce contexte bien connu.) À chaque étape ou quand les occasions se présentent il y a des réévaluations, des ajustements, des choix en conservant le fil cohérence, qualité/prix, etc. Les informations changent, la connaissance progresse.
Le moyen, plus connu, c’est la construction ou l’aménagement d’un logis où l’on part avec des solutions types qui peuvent se modifier selon les circonstances. Ainsi Madame peut faire remplacer la parquet par du carrelage, ou l’inverse, parce que l’occasion s’est présentée et que l’on reste dans le budget du ménage.
Le petit, que tout le monde connaît, c’est Maman qui part faire son marché avec des idées générales en tête et qui remplit son panier au gré des arrivages (parfois des cinq continents) et des prix.
Personne ne peut connaître toutes les circonstances qui ont a concouru à mettre les différents acteurs devant ces choix possibles, et évolutifs. Encore moins les économistes mathématiciens.
Nulle part il n’y a eu, et il n’y a pu y avoir de courbes d’indifférence.
En parallèle de tout cela se déroulent des milliers, (des millions dans le monde moderne?) de projets, de choix, d’actions qui se rendent possible les unes les autres.
Ce qui fait bien rire quand on voit les réductions macro-économiques, investissement I, capital K, consommation C, travail T (que fait on si l’on a trop de conducteurs d’énormes camions de déblais et pas assez de monteurs d’ascenseurs ?), ou que l’on voit Paul Krugman (futur prix Nobel ?) dire que les chiffres doivent reboucler, et Paul Samuelson les faire reboucler dans son modèle simplifié pour les débutants (Je n’ai pas lu Baumol et je pense que je ne le lirai jamais, compte tenu de ce que j’en recueille incidemment à droite et à gauche. La vie est courte.) Les chiffres ne rebouclent jamais. Ils sont en suspens, ils avancent. (D’un point de vue comptable c’est autre chose mais ce n’est pas de l’économie,) Le modèle de Samuelson me fait penser à « cascade » et « ascenddescend » de M. C. Escher. (Google : m c escher cascade ou ascend descend
– cliquer sur image). Le pied est en l’air, l’eau …
Ce n’est pas, comme tu le dis, en mettant davantage de lettres A, B, C, W, X, Z que les brillants technocrates seront moins … – disons – stupides.
« Rien contre les élites mais qu’elles le prouvent. » disait Hayek. Ici on est dans le cas du singe « plus il monte haut plus il montre son derrière » (proverbe chinois).
Il y a de – trop nombreux – admirateurs de singes et de leurs derrières.
Là , Georges, je t’arrête.
Tu dis : « Le Codice est un “fromage†qui procède de “fromages†– vous en citez quelques-uns – et dont il ne résultera que des “fromages†jusqu’à ce que les contribuables disent “stop aux fromagesâ€.. »
Je t’arrête et je saute allègrement à pieds joints par dessus mon horreur des politiciens qui disent « Les Français pensent ci, les Français veulent ça, .. » et je te dis « les Français ne diront pas stop aux fromages dans un avenir prévisible. »
Les Français aiment les fromages. Les Français aiment l’argent non gagné. L’argent non gagné pour soi-même. Un bon nombre d’enseignants pense que la meilleure façon de faire fortune, la plus acceptable, ce n’est pas de rendre service aux autres en étant un capitaliste qui produit des choses utiles aux autres. Non. C’est en gagnant au Loto. Et ils le prouvent en achetant des tickets toutes les semaines (préférence démontrée).
Les fromages payés aux autres ? C’est un grand principe démocratique : ça ne me plaît pas mais je te l’accorde, tu m’accorderas quelque chose en échange à ton tour, tu me renverras l’ascenseur. Multiplions les fromages. Peut être que les petits pourront à leur tour entrer dans un fromage.
La civilisation et le progrès, Georges, reposent sur une petite proportion de personnes. Une élite. Une élite diffuse qui ne se confond pas avec une quelconque élite officielle économique, sociale, intellectuelle, bien qu’il y ait intersection. Il y en a partout, même à l’éducation nationale. C’est sympa parce qu’on peut en rencontrer ici et là .
Les autres, au mieux, tolèrent et cherchent des fromages.