En cette époque de vaches maigres, de serrage de ceinture, de disette d’origine étatique, de déclin économique national sur fond d’expansion quasi-générale, quel divertissement France 3, porte-voix de l’Etat français au niveau régional, nous prépare-t-il à la « rentrée », afin de nous sortir du quotidien ? La copie d’un méga-production hollywoodienne avec des mousquetaires moustachus à la place des cowboys ? Non ! Un reportage sur les merveilles exotiques de la Polynésie française 10 ans après le dernier test nucléaire ? Que nenni ! Une longue saga sur fond d’empire colonial français, au temps de sa splendeur, pleine de polytechniciens barbus expliquant aux indigènes les vertus du cartésianisme à la française ? Non plus ! Vous cherchez toujours ? Et bien, je vous livre la réponse : la résurrection à l’écran de Jean-Paul Sartre, vous savez, ce grand visionnaire français célèbre dans le monde entier, entre autres, pour son strabisme (hélas, non reproduit par l’acteur qui l’incarne) et pour ses déclarations iconoclastes :
« Triomphe du socialisme. A cet égard il ne saurait y avoir l’ombre d’un doute quant à l’issue finale ».
« L’URSS veut la paix et le prouve chaque jour ».
« Toute la période où l’URSS ne possédait pas la Bombe, ce fut une période extrêmement difficile à vivre. Pas matériellement, bien sûr, mais en tant qu’intellectuel. Avec le plan Marshall et la menace, nous avons assisté au rétrécissement du groupe communiste ».
« Si quelqu’un essaye encore de me dire qu’en URSS la religion est persécutée ou interdite, je lui casse la gueule ».
« On peut très bien concevoir qu’à l’origine de l’édification du socialisme il y ait une terreur tournante et longue ».
Terreur tournante et longue, concept sartrien explicable probablement par le besoin dÂ’exterminer graduellement les adversaires du socialisme.
« L’extermination de l’adversaire et de quelques alliés n’est pas inévitable, mais il est prudent de s’y préparer ».
« En le premier temps de la révolte, il faut tirer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ».
« Puis tout cela a débouché sur la guerre de Corée. La guerre de Corée, ce n’était pas une tactique communiste : c’était le contraire. C’était un piège dans lequel les armées coréennes du Nord sont tombées. Nous avons alors découvert que la guerre froide pouvait se changer en guerre très chaude ».
La titillante description du téléfilm dans lequel ce génie à l’Etat pur est réincarné, pour l’édification d’une France qui, au lieu de gémir sous la férule de l’Etat-Providence-Totalitaire voulu par Sartre, devrait au contraire exulter, ne manque pas de sel :
«Les Amants du Flore»… Tel est le titre de la fiction de France 3 qui se tourne actuellement à Paris. Anna Mouglalis, égérie de Chanel, y incarne Simone de Beauvoir. Lorant Deutsch, un Jean-Paul Sartre aussi doué que rebelle. Le téléfilm retrace la fabuleuse et exceptionnelle histoire d’amour entre l’auteur du «Deuxième Sexe» et le père de l’existentialisme. La Sorbonne, le «Café de Flore» et le théâtre de la Michaudière sont autant de lieux investis par l’équipe de tournage sous la houlette de Duran-Cohen.
arf arf
ça fait effectivement un paquet de conneries à son actif.
Je n’ai jamais rien lu de lui.
Je ne connais pas une citation de lui.
un Jean-Paul Sartre aussi doué que rebelle
Pas très doué en matière de clairvoyance manifestement…
Quand à la rébellion du bonhomme, elle ressemble à s’y méprendre à la
soumission la plus servileÂ…
…Qu’en période de doute, on en reviennent aux icônes qui forgent l’identité d’un pays. Sartre n’en est-il pas un pilier, selon France 3 et la plus grande partie de l’intelligentsia?
Que la situation se dégrade, et on sortira Marx, Lénine de la naphtaline. Voire la momie de Gracchus Baboeuf pour faire un téléfilm.
Sartre – Michel Onfray – Le ventre des philosophes – Poche – p133+ dont p137 « bilan dÂ’une journée dÂ’absorption sartrienne : deux paquets de cigarettes – des Boyards papier maïs – de nombreuses pipes bourrées de tabac brun ; plus dÂ’un litre dÂ’alcool – vin, bière, alcools blancs, whisky, etc…. deux cent milligrammes dÂ’amphétamines, quinze grammes dÂ’aspirine, plusieurs grammes de barbituriques, sans compter les cafés, thés … parfois plus dÂ’un tube de Corydon – anabolisant – par jour. »
D’abord le commentaire précédent est peu
compréhensibleÂ… Si c’est
l’anarcho-libertaro-hédonisto-anti-libéral Michel
Onfray qui ironise sur J.P.S., c’est (presque) l’hôpital
qui se moque de la charité ! Presque parce qu’on ne
peut quand même pas mettre sur le même plan
quelqu’un comme M.O. qui est un faux-penseur
globalement nuisible mais qui jusqu’Ã maintenant
n’a appelé publiquement au meurtre de personne, et J.P.S. qui a été une véritable ordure. A ce sujet je vous renvoie à ce post de Sardanapale et à mon commentaire : http://www.sardanapale.com/?p=25
Mise à jour le 15/10/2005 : le lien sur libres.org que je donne dans mon commentaire a disparu, il s’agit de ce texte signé Nicolas Lecaussin (de son vrai nom Bogdan Calinescu) : http://www.ifrap.org/5-lesavezvous/Sartre.htm
Il n’est pas très étonnant que France 3, qui est une chaîne drivée par la CGT, fasse l’apologie de Sartre. On a les héros que l’on mérite… Mais comme l’audience sera minable, tout cela n’a aucune importance.
Je suis plutôt amusé, car après avoir fait quelques recherches sur Sartre, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver l’origine de ces citations…
En réalité, je ne les ai pas trouvé… Où sont les références ? dans quels ouvrages est-ce dit ? quel est le contexte ????
J’imagine que vous allez m’accuser d’être un gauchiste avide de propagande communiste… mais je suis juste passionné par l’histoire des idées et ne peut me résoudre à ne m’arrêter qu’à quelques citations. J’ai besoin de chercher. Encore et toujours!!!
N’oublions pas non plus (même si c’est une posture intellectualiste par excellence) qu’il ne faut pas toujours prendre les écrivains, penseurs, etc. au pied de la lettre…
Prenons par exemple cette citation de l’ouvragre « Situations », où Sartre dit : « jamais nous n’avons été aussi libre que sous l’occupation allemande ». Sartre manifeste ici la radicalité avec laquelle la liberté s’exprimait pour dire non à l’horreur.
Rappelons également que dans « La critique de la raison dialectique », Sartre condamne la bureaucratie et le poids de l’Etat, qu’il appelle les enfers organisés…
N’oublions pas également que Sartre a pris à plusieurs reprises position contre le PCF… (pas trop dur vous allez me dire)
Cela n’enlève en rien la stupidité de l’aveuglement de Sartre envers une conception de la liberté par le socialisme telle qu’il l’a exprimé, à travers notamment la revue « Les Temps Modernes ».
Bref, puisqu’nous en sommes dans les citations, en voici une bien belle de Winston Churchill :
« Le vice inhérent au capitalisme est le partage non équitable des richesses. Le vice inhérent au socialisme est le partage équitable de la misère »
je partage l’avis de zingalamadou : certaines analyses de Sartre ont donné à la philosophie française ses plus belles pages, notamment celles concernant la liberté individuelle, sa critique de la psychanalyse (la « mauvaise foi ») qui rejoint par endroits celle de Ayn Rand dans « Atlas ». Malheureusement, le communisme en vogue l’a infesté et corrompu, comme beaucoup d’autres esprits « brillants » du XXème siècle. Sartre : un gros gâchis!
Le Sartre de la Nausée ou des Mains sales est assurément d’un grand intérêt. Mais de là à dire que sa conception de la liberté individuelle fait partie des plus belles pages de la littérature philosophique il ne faudrait peut-être pas se laisser emporter par une emphase trahissant plus d’ignorance que d’admiration sincère : sous l’influence heideggerienne (« l’extase philosophique » du Sartre de l’Occupation selon ses propres dires dans Situations) Sartre développe une conception de la liberté en creux, sans consistance matérielle; son existentialisme n’est pas un humanisme (Merleau-Ponty d’ailleurs s’éloignera de lui au fur et à mesure que le futur supporter de Mao affichera son soutien au PC et à l’URSS). C’est aussi, avec beaucoup d’autres points de désaccord, ce qui finira par le brouiller définitivement avec Camus.
Le Sartre de l’action politique au quotidien est particulièrement répugnant. Dans les différents Situations vous trouverez la plupart de ces citations.
J’ai retrouvé (la source est d’ailleurs citée sur le web)la trace de : »Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé, restent un homme mort et un homme libre. » qui est tirée de la préface du livre de Frantz Fanon, Les Damnés de la terre.
Oui, la citation tirée de la préface à Fanon est fameuse… Sartre a effectivement retiré son appui au PCF en 1956, je crois, mais l' »idéalisme » a la vie dure: S. a successivement rallié les différents régimes cocos à la mode au fur et à mesure qu’il était déçu par le précédent.
Pour un résumé partial et jouissif de sa carrière en 20-30 pages, je conseille « Le mensonge des intellectuels » de P.Johnson.
Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous soulignez, Messieurs Valium et G., le Sartre « potable » n’est ni celui du vocabulaire phénoménologique, ni celui qui sympathise avec les terroristes de la Fraction Armée Rouge (Bande à Bader), mais bien le Sartre de la littérature, et parfois, de l’analyse littéraire (son « Jean Genet, comédien et martyr ») : bien que sa conception de la liberté ne soit pas aussi « consistante » qu’elle devrait l’être, elle ne peut faire autrement que définir l’homme que par ses choix et ses engagements concrets, quitte à ce que ceux-ci soient franchement mauvais; ce qui est un comble dans un contexte intellectuel dominé par un marxisme qui nie toute liberté de choix. Certes, le Sartre engagé est épouvantable : Céline ne l’a pas loupé, Camus (qu’humainement, on peut largement lui préférer) a eu le courage de rompre avec lui. Le fait est que, jusque dans les années soixante, il est difficile de trouver, avec Raymond Aron, en France, une oeuvre et une figure intellectuelles plus singulières que la sienne. Je pense que même ses plus virulents adversaires le reconnaitront.
Mis à part cela, l’idée d’un téléfilm « nostalgique » sur le Castor et la Simone à Saint-Germain des Prés (sur fond Jazzy j’imagine) est une gageure : il ne faudra pas s’attendre à beaucoup de lucidité de la part des scénaristes…
l’histoire est réécrite en permanence sur les chaines
publiques ,pourquoi voulez vous qu’il en soit
autrement sur sartre
l’écrivain ok ;l’homme engagé ;désolant ;raymond
Aron lui ne s’était pas trompé
mais voyez vous jacques Atalli réécrit bien Marx
alors tout est possible
l’histoire de la décolonisation de l’algérie ;ou le port
de Marseille raconté par les communistes ce n’est
pas mal non plus ,bref tout cela fait partie d’un plan
d’ensemble afin de formater les jeunes générations
qui n’ont rien connu de tout cela et vu à laTV c’est
vachement efficace
c’est là ou le liberalisme perd labataille des idées la
gauche l’a bien compris et le tamtam ne s’arrête
jamais
Who’ll stop the tamtam ?
Qu’est-ce que cet acteur vient faire ici… ça risuqe d’être un grand moment de franche rigolade. Imaginez deux secondes cette petite frappe de film de seconde zone, débattre de ses positions intellectuelles à la Sorbonne. Merci FR3, cela risque d’être un beau divertissement !
Je suis tombée sur votre site libéral par pur hasard. j’ai 18 ans, pas eu le temps encore de pousser mes réflexions vers des apothéoses intellectuelles, de ce fait mes positions restent troubles, bien que j’ai une nette tendance à pencher vers la gauche…
Mis à part ça, je voue depuis quelque mois une admiration béate à Simone de Beauvoir, et la conception du monde de Sartre m’a fortement enthousiasmée. Il a sans doute fait de la merde à certaines occasions, mais quoiqu’il ai fait, je trouve admirable son projet de vie et ce qu’il a tenté de faire. « L’existence précède l’essence », ça a changé ma vie.
Maintenant il est fort probable que ce téléfilm qui fait l’objet de cette virulente attaque soit en effet une daube. Je ferai tout de même partie de l’audience, pour vérifier.
je salue Pierre Rouge Barbe de qui j’ai feuilleté les épenchements et qui m’ont remplis de préjugés peu glorieux à son sujet.
Bienvenue à la Page Libérale, Sarax.
Je suis content que mon article ait suscité chez vous des interrogations au sujet de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Puissent les autres articles de ce site susciter des interrogations similaires, notamment, sur le peu de place et le peu de confiance qu’accorde notre société française « sociale », « solidaire », etc., à l’être-humain.
Libéralement,
Pierre Rouge Barbe