Les conséquences sur la monnaie du rejet du concept de « propriété intellectuelle ».
« Le papier monnaie est duplicable. Est-ce à dire qu’il est permis de le dupliquer? »
Dans le fil de discussion de l’article « Abus de position dominante », il a surtout été question de débattre de la supposée « propriété intellectuelle ».
Je rappelle que les adversaires du concept, que je représente ici, soulignent que c’est du caractère exclusif des biens matériels (par définition de la matière) que découle le concept et la justification de la propriété, mais qu’en ce qui concerne l’information, il n’y a pas moyen de prétendre qu’elle soit exclusive (par définition de l’information). C’est même parcequ’elle ne l’est pas qu’on peut la copier et que l’idée d’un monopole d’exploitation accordé aux inventeurs est née.
Ses partisans prétendent au contraire qu’il n’y a pas de différence de nature entre la propriété des biens matériels et la propriété de l’information. Certains d’entre eux nient purement et simplement toute justification autre que « pragmatique » de la propriété quelle qu’elle soit. D’autres prétendent que l’information est exclusive dans certains cas au moins. D’autres encore pensent que les biens matériels sont parfois non-exclusifs.
Chacun est resté sur ses positions, comme il se doit, mais un grand nombre d’arguments ont été présentés qui ont au moins l’intérêt de fournir des idées à ceux de l’un ou l’autre camp qui voudraient se faire une opinion.
Toutefois, et c’est le point sur lequel je veux en venir, une question intéressante a été posée par Gonzolo. La voici:
« Le papier monnaie est duplicable (il l’est même parfaitement malgré les mesures de sécurité tentant de rendre celle-ci la plus difficile possible). Est-ce à dire qu’il est permis de le dupliquer? Prônez-vous la liberté de duplication du papier monnaie? Les libertariens pensent-ils que la falsification est une liberté comme les autres qui ne nuit aucunement à la propriété privée? «
Je vous propose donc une petite réflexion sur le sujet, en vous demandant de respecter certaines règles spéciales pour ce fil de discussion.
Cette règle est simple: partir du principe que la propriété intellectuelle est un faux concept et voir quelles sont les conséquences sur la monnaie.
En effet, si l’information, par nature, ne peut appartenir à personne, il semble indubitablement vrai que tout le monde a le droit de recopier les billets de banque (au sens du droit naturel, et non de la loi bien évidemment).
Les questions de base de la discussion seront donc les suivantes:
1/ Y a-t-il moyen de justifier l’interdiction de recopier les billets de banque tout en niant que l’information puisse faire l’objet d’une propriété ?
2/ Et s’il n’y a pas moyen, cela ne démontre-t-il pas simplement l’ineptie de cet aspect du système monétaire tel qu’il existe ?
3/ Si la concurrence monétaire existait, des solutions n’auraient-elles pas émergé qui auraient éliminé ce problème ? En d’autres termes, l’Etat est-il, ici comme ailleurs, un frein au progrès et à la découverte de nouvelles solutions ?
4/ Que dire de l’or, présenté par certains comme monnaie « naturelle » ?
Rappelons également que ce qui se passe actuellement, dans tous les pays du monde, est une falsification permanente de la monnaie.
En effet, les Etats se sont arrogé un monopole parfaitement arbitraire sur l’émission de monnaie. Non seulement ses gestionnaires n’ont et ne peuvent avoir de moyen de savoir combien de monnaie il faut émettre, mais de surcroit la monnaie d’Etat n’est garantie par personne: l’Etat n’est pas une personne. Il n’y a aucune garantie attachée à la monnaie, à tel point d’ailleurs que toutes les monnaies étatiques finissent par perdre de leur valeur. C’est l’inflation, présentée d’ailleurs par certains comme une manne céleste (!). Cette monnaie ne correspond en aucune manière à une richesse sous-jacente. Elle est identique à un chèque tiré sur un compte que l’on promet d’approvisionner par la force dans l’avenir. Ce n’est donc pas de la monnaie, mais de la fausse monnaie. Par conséquent, le fait est que de la fausse monnaie est émise en permanence et de manière massive. Ainsi, prétendre q’il est nécessaire, à l’heure actuelle, d’interdire aux gens de copier la monnaie est une belle farce.
Mais imaginons maintenant un monde libre, où différentes monnaies (réelles, fondées sur des richesses sous-jacentes) sont proposées à l’utilisation par des banquiers (ou autres). L’interdiction de copier la monnaie serait-elle nécessaire, ou des mécanismes de protection suffiraient-ils ?
Telle est la question.
Sur un « vrai » billet de banque (i.e. assorti d’une garantie de convertibilité), il est normalement inscrit quelque chose comme « la banque X s’engage à verser telle quantité de Y en échange de ce billet dans l’un de ses guichets » (le Y peut être de l’or de l’argent, des parts d’une société cotée en bourse, la monnaie de la banque X’ etc…).
Dupliquer un tel billet est donc clairement frauduleux.
End of story de mon côté.
>Dupliquer un tel billet est donc clairement frauduleux.
Non, ce n’est pas frauduleux. C’est le faire passer pour un « vrai » billet qui est frauduleux.
En revanche, dupliquer une pièce d’or ne sera jamais frauduleux (à condition que vous utilisiez pour cela… de l’or) – tout du moins dans une société libertarienne.
Cette règle est simple: partir du principe que la propriété intellectuelle est un faux concept et voir quelles sont les conséquences sur la monnaie.
Je ne vois pas le rapport entre la PI et la monnaie. La monnaie est une représentation de la propriété physique d’une valeur fixe (étalon or) ou alors c’est une monnaie fiduciaire (valeur de confiance).
Faire passer un faux billet pour un vrai est de la tromperie, c’est donc tout à fait illégal. Le problème du des marques commerciales et des noms d’entreprise se règle de la même façon, sans propriété intellectuelle.
je crois qu’il faut voir ce qu’est un billet de banque; pour moi il ne s’agit que d’un contrat librement cessible entre son détenteur et la banque émétrice. Le support de ce contrat est simplifié au maximum pour permettre une circulation aisée mais le billet en garde les principes et une copie de billet numéroté est une simple copie de contrat dont l’usage seul est contraire au droit car non autorisé par les 2 titulaires du contrat originel (banque et détenteur de billet numéroté). Pour répondre à Gonzolo : oui à la liberté de duplication du contrat non à l’usage de la copie du contrat sans accord des détenteurs légitimes.
« un contrat librement cessible entre son détenteur et la banque émétrice » : mais que dit ce contrat exactement ?? Je serais curieux de le savoir. Qu’est-ce que promet la banque émettrice et à quoi s’engagent les parties ?
C’est bien de parler de contrat, mais quelles en sont les clauses ? (je me place dans notre société d’aujourd’hui qui repose sur la monnaie étatique imposée).
« oui à la liberté de duplication du contrat non à l’usage de la copie du contrat sans accord des détenteurs légitimes. »
ça me semble juste.
je me demande si on ne peut pas ramener ça à la PI. pourquoi être réticent à appliquer ce principe à la musique par exemple? prenons un CD de musique, en lui-même il peut être considéré comme un contrat (comme tout échange): le producteur du CD s’engage en échange d’argent à faire bénéficier l’acheteur de la musique qui y est contenue.
Pourquoi admettre que d’autres personnes que l’acheteur puissent bénéficier de cette musique en copiant le CD? Sur le CD il est pourtant bien mis : réservé à un usage privé (les copies sont autorisées à condition qu’elles restent à usage privé car c’est pour l’usage privé de la musique que l’acheteur a payé pas pour le CD en lui-même ni pour un usage autre que celui prévu dans le contrat).
Il me semble donc tout aussi juste qu’il faille l’accord non seulement du propriétaire du CD copié mais aussi du producteur de musique pour pouvoir disposer librement de la musique qui y est contenue.
Le piratage de musique s’apparente selon moi à la falsification de monnaie. Le pirate copie le contrat (dont l’objet est la musique) et l’utilise (écoute la musique) sans accord d’un des membres du contrat: le producteur de musique.
S’il n’y a que copie sans utilisation, je ne vois par contre pas où est le mal (ni où est l’intérêt) de le faire. Ce serait comme des faux-monnayeurs qui se contentent de garder leurs faux billets dans un coffre. ça ne nuit à personne, mais il n’y a aucun intérêt à le faire.
Deux questions de plus :
Est ce frauduleux de créer de la monnaie qui soit tellement bien faite qu’elle apparaisse indiscernable de la « vraie monnaie » ?
Dans le cas de métaux précieux, est ce frauduleux que de découvrir un gisement et de l’exploiter ?
Si vous répondez oui à la première question, vous répondez forcément oui à la seconde, et à ce moment là vous n’êtes pas un grand ami de la liberté :-) …
SP: j’ai pas bien compris le rapport entre la falsification de monnaie et l’exploitation d’un gisement. Pouvez me l’expliquer?
Gonzolo : Je parlais dans le cas d’une monnaie type ressource matérielle (or, argent…).
De quoi parle t’on lorsque l’on parle de falsification ?
Prenons l’exemple de l’or.
Est ce que peindre des cailloux en doré c’est falsifier ?
Est ce que synthétiser des molécules d’or en faisant fusionner plusieurs atomes d’hydrogène c’est falsifier ?
Est ce que découvrir un gisement d’or et l’exploiter c’est falsifier ?
Si l’on accepte que l’Etat définisse et réprime la « falsification », comment définir celle-ci? La définition sera qualitative et donc forcément arbitraire.
Il n’y a pas de « vraie » monnaie. Il n’y a que des biens dont la valeur est reconnue ou non.
Pour la P.I., je tiens bien à préciser que je n’approuve pas forcément le code de la propriété intellectuelle tel qu’édicté par l’état, par contre je pense que le libéralisme doit permettre la propriété de certaines informations.
De mon point de vue, les mécanismes classiques de protection physique de la monnaie (papier spécial, filigrane, numéro de série, etc…) sont intéressants mais insuffisants. Rien n’empêcherait un faussaire d’utiliser le même papier, les mêmes encres… Même si ceux-ci sont vraiment spécifiques, le faussaire pourrait tout simpplement (cela s’est déjà vu) accéder à l’imprimerie de la Banque Centrale. Un contrôle du niveau des encres et de la quantité de papier pourrait être contourné par ceux-là même qui effectuent les contrôles. On a déjà vu des états produire de la fausse monnaie, en Ex-Yougoslavie à l’époque de Milosevic par exemple.
Si l’on admet que l’on a le droit de copier une monnaie, pourvu que l’on puisse en faire une copie indiscernable de l’original, alors celle-ci perd forcément de sa valeur (inflation). C’est donc une façon de voler tous ceux qui détiennent des instruments de cette monnaie.
C’est encore plus visible avec la monnaie électronique. Une banque pourrait très bien créditer mon compte d’un million de brouzoufs, en écrivant simplement « 1 million de brouzoufs » quelque part dans l’ordinateur. Cela serait bien plus facile que d’imprimer 50 000 faux billets de 20 brouzoufs. Comment empêcher cela autrement qu’en l’interdisant?
Le problème est donc analogue à celui de la P.I., à la différence près que, lorsque vous avez un billet de banque, vous possédez en fait la valeur qui est inscrite dessus, pas forcément le billet physique (qui appartient toujours à la banque centrale, je crois). Lorsque vous achetez un logiciel, vous achetez un droit d’utilisation, pas le contenu du CD. Une monnaie « open source » ne présente donc aucun intérêt (ha ha ha).
Par contre, je n’ai rien contre la concurrence entre les monnaies.
Sous-Commandant Marco:
Le problème n’est pas de savoir si la monnaie doit être créable à volonté par n’importe qui. Il me semble souhaitable de mon point de vu personnel que la monnaie soit stable et qu’effectivement personne ne puisse en générer, sous peine d’appauvrir tout le reste des personnes détenant de cette monnaie.
Mais ce que je dénonce est l’utilisation de la violence contre la soi disant falsification de la monnaie.
Une monnaie libre doit assurer sa protection (non création) en elle-même, et non pas par un organisme violent.
De plus en libéralisant la monnaie toute monnaie contrefaite disparaitrait au profit d’autres monnaies … Cela évite tout risque de crise grave dûe justement à l’effondrement d’une monnaie particulière (effondrement lui-même dû à quelque manipulation économique arbitraire d’un homme d’état…)
« Une monnaie libre doit assurer sa protection (non création) en elle-même, et non pas par un organisme violent. »
Je crois que la solution du problème est effectivement là . Bravo SP.
« Gonzolo : Je parlais dans le cas d’une monnaie type ressource matérielle (or, argent…).
De quoi parle t’on lorsque l’on parle de falsification ?
Prenons l’exemple de l’or. »
SP, on en est à la monnaie scripturaire. Les comparaisons avec l’or étaient valable à une époque, mais de nos jours y’a d’autres problèmes qui se posent comme le piratage informatique des comptes bancaires…
Sous-Commandant Marco : « Le problème est donc analogue à celui de la P.I., à la différence près que, lorsque vous avez un billet de banque, vous possédez en fait la valeur qui est inscrite dessus, pas forcément le billet physique (qui appartient toujours à la banque centrale, je crois). Lorsque vous achetez un logiciel, vous achetez un droit d’utilisation, pas le contenu du CD. »
Suis d’accord avec vous en général. Ici, petite remarque; ce n’est même pas la valeur que l’on possède dans un billet, la valeur n’étant pas objective mais dans ce cas-ci fiduciaire. Autrement dit, c’est bien le droit d’utiliser le billet comme valeur d’échange que l’on possède. Autrement dit encore, on possède un droit d’utilisation (garanti par l’émetteur du billet), rien d’autre. Tout comme pour le CD.
SP : « Une monnaie libre doit assurer sa protection (non création) en elle-même, et non pas par un organisme violent. »
Je veux bien, mais pourquoi la monnaie doit-elle assurer sa protection par elle-même et pourquoi votre maison (par exemple) peut, elle, être protégée par un organisme violent (la police)? Quelle est la différence?
« Une monnaie libre doit assurer sa protection (non création) en elle-même, et non pas par un organisme violent. »
C’est un excellent résumé de la question. Ce serait génial si c’était possible. Oui, mais une telle monnaie peut-elle exister, et si oui, pourrait-elle exister sans admettre la propriété de l’information? Là est la question.
La monnaie est-elle une valeur en soi? Dans ce cas sa duplication suffirait à créer de la valeur. On en oublierait presque que la fonction de la monnaie est de permettre l’échange de biens et de services dont la valeur peut être librement fixée ou pas. La fonction de la monnaie est universellement reconnue parce que sa valeur est garantie, à la manière dont on appose un sceau sur un contrat : les contractants doivent remplir chacun leur part du contrat qu’ils ont signé unanimement, sous peine d’être forcé de l’exécuter. Ce tiers qui garantit peut être l’Etat. L’idée qu’un organisme non violent assure la protection de la monnaie est impossible. Mais l’idée que la monnaie libre assure en elle-même sa propre protection ne me semble possible que si elle a tous les attraits du contrat.
L’Etat est le propriétaire de la monnaie dans la mesure où il fixe les conditions de son utilisation et en garantit l’efficacité (symbolique?), mais cette propriété n’est qu' »intellectuelle » parce qu’elle circule dans d’autres mains que les siennes. La monnaie peut être considérée comme une loi à part entière, comme celle qui interdit de tuer, de voler, etc., et qui rappelle immanquablement à ses détenteurs les règles de son bon usage. De sorte que la valeur de la monnaie semble ne reposer que sur son seul et propre interdit de falsification. Créant une rareté relative (que les situationnistes qualifieraient de factice) susceptible d’être investie fortement en valeur par ses détenteurs. Pour qui l’argent représente une valeur légitime (la récompense de son travail), la falsification est un tabou. Pour qui l’argent ne représente qu’un moyen d’obtenir des biens et des services, la falsification est aussi un moyen. La femme fait usage de son sexe pour recevoir de l’amour sinon pour soutirer des privilèges. Bien plus que le faussaire, c’est la fixation autoritaire des prix, des taxes et des salaires ainsi que la redistribution étatique qui convertissent la monnaie en thune de singe.
« La femme fait usage de son sexe pour recevoir de l’amour sinon pour soutirer des privilèges. » Vous auriez pu, Arnold Moreau, ajouter à l’appui de votre thèse très clairement explicitée par ailleurs que la femme qui vend ses charmes n’existe que parce qu’il y a un client pour les lui acheter. Pour ce qui est de l’amour et en obtenir, les femmes se débrouillent autrement.
Cum grano salis,
Emma
<< la femme qui vend ses charmes n'existe que parce qu'il y a un client pour les lui acheter. Pour ce qui est de l'amour et en obtenir, les femmes se débrouillent autrement.>>
Faux: Comme nous le savons au plus tard depuis la loi de Say, l’offre précède la demande. Il n’y aura jamais de demande, sans qu’un bien soit disponible, sinon de manière fictive. Je veux bien acheter un élexir de jeunesse, mais aussi longtemps que personne ne peut m’en vendre, cela reste purement du domaine de la mythologie.
Le marché est donc créé par le premier vendeur, qui fixe aussi les conditions initiales, puisqu’il est monopoliste jusqu’à l’arrivé de concurrents.
Les hommes achètent donc du sexe parce que les femmes le vendent. C’est d’ailleurs un avantage indéniable des femmes: elles peuvent tirer un avantage matériel d’une activité qui peut (ne doit pas forcément) être plaisante, tandis que le prix du marché pour un homme est plutôt faible, la plupart des femmes n’ayant aucun problème pour se trouver des hommes pour satisfaire leurs envies sexuelles. Un avantage immense, quand on pense à l’importance de la chose dans la vie d’un être humain.
L’homme est donc principalement préoccupé avec la question de l’obtention des faveurs des femmes, tandis que la femme pourrait théoriquement s’occuper de sa carrière. Plutôt qu’un désavantage, elle a donc un net avantage professionnel. Elle ne dépense pas sans cesse tant d’efforts et d’argent pour arriver à ses fins au niveau sexuel. En plus, une femme, même sans passer pour une pute, peut monnayer ses faveurs, sous forme de cadeaux, de bijoux, voire de voitures.
Quant à l’obtention de l’amour, je me demande bien comment elle ferait, si non à travers son sexe. Il est bien connu que l’homme donne de l’amour en échange de sexe, tandis que la femme donne du sexe en échange d’amour … ou de biens matériels, justement.
La prostitution précède toutes les théories de l’offre et de la demande et donc, y compris J.-B. Say. Elle existe et existera sous toutes les latitudes, tous les régimes. Est-ce la prostituée qui a créé le client ou le client qui a créé la prostituée ? C’est comme se demander qui de la poule ou de l’œuf a commencé… Et peu importe. La prostitution est un effet pervers du désir principalement masculin. L’homme éprouve du désir et ensuite du plaisir pour que l’espèce se perpétue. La Nature fait remarquablement bien les choses. Sans plaisir, l’espèce se serait arrêtée au premier couple homme-femme. Que l’homme cherche à assouvir son désir en le déconnectant de la fonction première de perpétuation de l’espèce est une réalité. Que ce soit bien ou mal est une autre affaire. Les religions ont, pour l’essentiel, été inventées pour canaliser ce désir et lui affecter une connotation négative.
Le marché du sexe existe donc car il y a des hommes qui ne se satisfont pas du rôle premier de la femme qui est de transmettre la vie et qui du reste, s’en fichent. Le désir existe (aussi pour la femme mais à une moindre échelle) pour donner envie de transmettre la vie et de perpétuer l’espèce. Que ce désir ne soit utilisé que pour la satisfaction de celui qui l’éprouve est en quelque sorte un effet pervers du système naturel.
Il apparaît quÂ’en plus d’être destinée à assouvir les désirs de lÂ’homme, la femme possède, en commun avec toutes les femelles de la classe des mammifères, une caractéristique naturelle : elle engendre. QuÂ’on appelle cela un avantage me semble exagéré. C’est à mon sens et objectivement un fait naturel.
Emma
« Est-ce la prostituée qui a créé le client ou le client qui a créé la prostituée ? »
La prostituée a créé le client. L’offre d’abord.
D’ailleurs l’homme au départ pense à violer et non à payer une prostituée. Autrement dit, il ne se voit pas comme client mais comme violeur, il ne pense pas à payer mais à assouvir son désir sans payer. Pour donc qu’il paye, il faut soit que la femme l’aie convaincu de payer, soit qu’une instance détenant une force physique plus imposante que le violeur-client l’aie obligé à payer.
Qui a créé la prostituée? Ici, plusieurs hypothèses. Il est peu probable que des femmes se soient prostituées spontanément et de leur plein gré dès le départ. Plus probablement, elles ont soit été asservies puis forcées à la prostitution en vue de ramener de l’argent. Soit encore, ce qui revient à peu près au même, la prostitution originelle est sacrée, autrement dit des femmes étaient désignées pour se prostituer pour des raisons religieuses (culte de la fertilité).
« Et peu importe. La prostitution est un effet pervers du désir principalement masculin. »
Pas vraiment. Le viol serait un effet pervers du désir. La prostitution est un détournement de ce désir pour le profit de la prostituée ou de son souteneur.
Beau travail d’introspection gonzolo. Peut-être devrais-tu consulter un psychiatre pour
1/calmer tes pulsions.
2/Cesser de prendre ton cas pour une généralité.
ça me fait penser que seuls les pervers ont intérêt à prétendre qu’ « il n’y a pas de vérité absolue ». ça leur permet de minimiser la noirceur de leur âme.
« Beau travail d’introspection gonzolo. Peut-être devrais-tu consulter un psychiatre pour
1/calmer tes pulsions.
2/Cesser de prendre ton cas pour une généralité. »
Ce sont exactement les mêmes remarques idiotes que l’on a fait à Freud lorsqu’il a parlé des désirs inconscients et de la sexualité infantile: « Mr Freud, vous devez avoir l’esprit mal tourné pour avoir ces idées… »
Sans vouloir me comparer à Freud (un peu de modestie tout de même), cela fait plaisir de voir que les mêmes culs-bénis s’attaquent à moi.
gonzolo.
Tu as écrit:
« D’ailleurs l’homme au départ pense à violer et non à payer une prostituée. »
Tu es un homme ? Oui ou non ?
Donc, toi, au départ, tu penses à violer.
C’est la conclusion de tes propres affirmations.
Agite ton neurone de temps en temps.
Et prétendre que cette perversion, que tu affirmes être la tienne, est un cas général, constitue une insulte outrageante à mon endroit (puisque je suis un homme). Par conséquent, si tu persistes, je retire tes posts.
Pas d’insultes sur la PL.
« Une monnaie libre doit assurer sa protection (non création) en elle-même,
et non pas par un organisme violent. »
Je ne vois pas pourquoi !
Pourquoi la défense de la propriété privée ou le respect des contrats
devrait pouvoir être assurée sans recours à la violence ?
Si une entreprise trouve un moyen d’emettre une monnaie non falsifiable Ã
peu de frais, elle aura tout intérêt à le faire par rapport à une solution
répressive, mais ce n’est pas un principe absolu.
Chère Emma, on peut avancer l’idée, comme Lacan, qu' »aimer, c’est donner ce qu’on a pas », mais, à regarder l’amour de près, on échappe pas à la dure loi des échanges. Je pense plutôt, comme Stendhal ou Constant (« Adolphe ») qu’il n’existe que des preuves d’amour (qu’on soit homme ou femme), et que c’est de cette « ostentation » de signes amoureux et sexuels (je n’emploie pas ce terme au hasard) que proviennent la morale qui édicte les règles de pudeur et le « droit » qui autorise le rapport, qu’il soit forcé ou consentant. Dans son « Essai sur le don », Mauss décrivit le droit mélanésien appelé « kula », qui règlemente les échanges inter et intra-tribaux. Il y mit en évidence l’existence de rituels, dont le but est à la fois de conjurer « toutes les choses de haine et de guerre » et d’engager « définitivement le donataire à un don en retour ». La monnaie remplie chez nous cette double fonction contractuelle et civilisatrice : conjurer la violence et forcer le principe d’équivalence dans l’échange. Or, ce schéma, appliqué à la sexualité, ne relève de la « psychologie primitive » que parce que la propriété privée, donc de soi, n’existe pas. Plus proche de nous : la « Toilette des femmes » selon Tertullien ou l’Islam, pour qui les signes et artifices de la beauté féminine ne sont pas des « propriétés » féminines mais des demandes sexuelles explicites « obligeant » une réponse sexuelle (ou violente) en retour. Ainsi de la « psychologie » du violeur ou de l’érotomane: « Elle m’a lancé un regard », « elle était habillée sexy », etc. Même le mariage n’échappe pas au « devoir » conjugal.
Seule la propriété de soi comme valeur inaliénable (quelque soit son paraître) est la condition du choix amoureux tel que nous l’entendons. Dans le droit primitif, qu’une femme se donne à qui elle veut, même exclusivement, est impensable, car c’est se donner à tout le monde. Si primitif? En France, une actrice X connue a été violée dans la rue par trois types. Le juge l’a déboutée à cause de son métier. à méditer…
« En France, une actrice X connue a été violée dans la rue par trois types. Le juge l’a déboutée à cause de son métier. à méditer… »
C’est quoi cette histoire? J’ai du mal à y croire, c’est tellement gros. On n’en est quand même pas là ?
Il s’agit de Raffaela Anderson (cf. « Hard », sa biographie chez Grasset). Elle témoigna de son drame à l’occasion de la sortie du film « Baise-moi », lors d’une interview sur une chaîne cryptée. C’est tellement gros, en effet, une tournante avec une professionnelle de l’exhibition sexuelle : on en est tristement là . Une tournante est « acceptable » pour les moeurs si vous avez le malheur d’être une femme qui a déjà consenti à une pratique sexuelle avec plusieurs personnes, devant ou en dehors des caméras. Que dire du sort qui est réservé aux péripatéticiennes?
Du moment que vous touchez au sexe, vous êtes dépossedés de vous-mêmes, vous n’êtes plus qu’une chose publique. Question de civilisation : le temps où les prostituées imposaient le respect et où les « aphrodisia » étaient considérées comme un art sacré, est révolu depuis des lustres (si ce n’est pas un mythe). Certains espèrent le retour des Mme Claude, comme d’autres un come-back d’Elvis, mais ils rêvent.
Plus proche de nous, la façon dont les affaires sanitaires et sociales, en parallèle (on devrait dire en marge) de la loi sensée condamner l’inceste, tentaient de restaurer les valeurs de la sacrosainte famille, par des confrontations « père-fille » lors de séances imposées de thérapie systémique. Quelle aberration : faire croire à un enfant qu’un père (biologique) est une valeur qui doit dépasser, outrepasser la condamnation de l’inceste. Il y a encore dix ans, celui qui dénonçait ces « psychothérapies » pouvait passer pour un extra-terrestre à l’université (Carole Bouquet et des associations de protection de l’enfance s’insurgent toujours contre ces pratiques).
C’est un malaise dans notre société : la retombée morale de toute « sexualité » ou « sexualisation » de l’individu sur l’application des lois sensées garantir la propriété inaliénable de soi (le seul vrai « garde-fou »). Autant de concessions faites à la « psychologie primitive »…
Cher Arnold, merci de vos contributions. Vos références sociologiques et littéraires sont celles d’un érudit : j’ai souvent remarqué que les libéraux sont plus cultivés que les autres. Il doit y avoir une raison ou une explication à cela. Qu’en pensez-vous ?
Oui évidemment la loi des échanges s’impose aussi dans l’échange sexuel voire amoureux ou les deux à la fois, ce qui arrive parfois : chacun doit y gagner. L’espèce humaine a inventé et mis un nom sur ce sentiment si particulier, l’amour, pour se donner une raison de perpétuer l’espèce. Les autres espèces sans langage articulé se débrouillent sans cela ; chez elles, point de Lacan ou de Stendhal pour les y inciter ou les en détourner. L’amour semble donc être la grande affaire de l’Homme dans toute la Nature. Pour aboutir au même résultat : transmettre ses gènes. Y arrive-t-elle mieux ou moins bien ? Je ne suis pas assez savante pour le dire. L’espèce humaine a inventé parallèlement les moyens de ne pas se perpétuer. Les bonobos n’en sont pas encore là …
Pour ce qui est du viol, qu’on soit une femme lambda ou une actrice de films X, le fait devrait être jugé de la même façon en droit et le viol condamné.
Bien à vous.
Emma
« Pour ce qui est du viol, quÂ’on soit une femme lambda ou une actrice de films X, le fait devrait être jugé de la même façon en droit et le viol condamné. »
Tout comme Monsieur Valium, j’ai du mal à croire à cette histoire. Si le viol est avéré, je vois mal comment ils auraient pû échapper à une condamnation. C’est donc que le juge a dû penser qu’elle était consentante, preuves à l’appui je suppose.
Par contre, qu’il ait argumenté du métier de la fille pour ne pas condamner les agresseurs, ça semble tout bonnement incroyable. Dernièrement, y’a encore des policiers qui se sont fait condamner pour viol sur une prostituée, alors je demande à en savoir plus pour me faire une idée…
Tout bonnement incroyable, cher Gonzolo, comme le fait de maintenir en détention une personne en l’absence de preuves, ou sur la base d’un parjure avéré. Vous demandez à en savoir plus pour vous « faire une idée » parce que, dans le cas cité, vous voyez « mal comment ils auraient pu échapper à une condamnation ». C’est tout simplement que le « viol » n’a pas été retenu comme tel par le juge, sur la seule base des déclarations contradictoires des deux parties et de leurs antécédents : la « pornographie » de la partie civile faisant grief et « excusant » les accusés. Je ne vous apprendrai pas qu’on peut récuser le témoignage d’un individu en tenant compte de sa « moralité » passée ou présente (est-ce si incroyable?). Mais n’étant pas non plus dans le secret de l’instruction de l’affaire R. Anderson, je ne puis vous renvoyer qu’au seul témoignage de l’intéressée, que la justice française n’a pas jusqu’à présent contredit en diffamation(http://www.lapetitemorte.com/about.htm).
On peut donner autant d’exemples que de contre-exemples, de justice « efficace » à l’endroit des « prostituées », comme à l’endroit des criminels en tout genre. La solidarité entre policiers et l’omerta corporatiste ont trouvé fort heureusement leur limite : de plus en plus d’agents ont le courage de témoigner contre leurs confrères.
Si la justice, en matière de crimes sexuels, ne pouvait reposer que sur des preuves tangibles (examen gynécologique, analyse génétique), et sur autre chose que des témoignages (qu’une plaidoirie suffit à relativiser ou à rendre douteux), je vous suivrais sans réserve. Qu’une actrice porno portât plainte pour viol constituait déjà un fait suffisamment incroyable pour notre justice.
Excusez ma crûdité, mais je ne parlais que de ça : Une actrice porno peut-elle être un « sujet » à part entière, ou est-ce une salope qui aime ça par « nature », en toutes circonstances? De même, ne pas payer une pouf après son taf, est-ce « injuste » ou « moral », vu son métier? Sexe = contrat ou sujétion?
Chère Emma,
je ne suis pas érudit car je n’ai pas de mémoire. Je ne suis pas libéral car je suis trop pessimiste (et paresseux).
Je crois tout comme vous en l’existence de l’amour, mais je ne crois pas, tout comme Schopenhauer, qu’il soit une ruse de l’espèce sur l’individu humain afin de se perpétuer : c’est ainsi qu’on le justifie (après coup, si j’ose dire), pour faire bonne figure.
L’amour qu’on dit « vrai » est exclusif et totalitaire. C’est une souffrance que la frénésie sexuelle ne suffit pas à apaiser et que la séparation rend plus pénible encore. L’amour rend « pot de colle », jaloux et insupportable au point de ne pas vouloir d’enfant au milieu. L’amour tient l’espèce humaine en horreur, y compris et surtout l’espèce de sa propre famille.
Ici et là , on croit enfin apercevoir un amour adulte et raisonné, mais on n’assiste qu’à des bonnes manières : une Renault Espace, une cravatte rayée au volant, un tailleur beige à sa droite, deux culottes courtes ligotées à l’arrière et une poussette bleue dans le coffre. Et le soir, enfin seuls, dans la chambre : « tintin », pas ce soir! Et le mâle au cerveau reptilien commence à regretter le temps jadis où ça se passait comme dans « la guerre du feu ». Drôles de ruses, en effet, que nous joue parfois l’amour! Il nous a poussé tellement loin qu’on n’ose plus se poser la question du comment tout a commencé. Quelle aventure, en effet, comparée aux petites aventures!
Arnold MOREAU:
j’ai fait quelques recherches sur internet et je n’ai trouvé aucune trace d’un quelconque jugement portant sur une affaire de viol concernant Raffaela Anderson. Elle aurait tenté de porter plainte à la police et ceux-ci lui auraient rit au nez parce qu’elle était actrice porno. Donc elle n’aurait même pas porté plainte et on serait obligé de la croire aussi bien pour le viol que pour sa tentative de porter plainte.
Tout ceci ne prouve évidemment rien ni dans un sens, ni dans l’autre. Mais vous l’aurez compris, je suis sceptique. Non pas parce qu’elle aurait été actrice porno mais parce qu’elle cherche à faire du fric en écrivant des histoires les salaces possibles sur sa vie et quoi de plus facile que d’inventer des viols à répétition.
Enfin, je sais pas, de nos jours y’a tellement de mythos et je suis suspicieux de nature… Vous n’avez pas une petite référence indépendante qui rendrait ça plus crédible à mes yeux?
« que la justice française n’a pas jusqu’à présent contredit en diffamation »
s’il fallait attaquer tous les mythos du show-biz…
« Une actrice porno peut-elle être un « sujet » à part entière, ou est-ce une salope qui aime ça par « nature », en toutes circonstances? »
Quand bien même elle aimerait ça par nature, je ne vois en quoi cela l’empêcherait d’être un sujet… Un viol est un viol, même si la victime y trouve du plaisir. C’est d’ailleurs assez souvent le cas parmi les abus de mineurs, ce que peu savent (j’en suis resté baba en l’apprenant par une fille ayant été abusée par son beau-père et ayant eu confirmation d’un psychiatre). Le plaisir physique n’empêchant pas la souffrance morale conséquente des abus subis, au contraire (puisque cela culpabilise la victime).
« De même, ne pas payer une pouf après son taf, est-ce « injuste » ou « moral », vu son métier? »
Purement théorique. On paye avant et non après. :)
Cher Arnold,
QuelquÂ’un qui connaît et cite Schopenhauer ne peut pas être tout à fait paresseux. Pessimiste, je le suis autant que vous. Vos considérations sur lÂ’amour sont très vraies et me rappelle Lévinas (Éthique et infini) et Finkielkraut (La Sagesse de lÂ’Amour, étude sur Lévinas justement). LÂ’amour-passion, lÂ’amour-tyran rend tellement dépendant de lÂ’autre quÂ’Ã aucun autre moment de la vie on vit lÂ’Autre avec autant dÂ’intensité. Et lÂ’Autre jamais ne semble à la hauteur du sentiment quÂ’on lui porte. LÂ’Autre a un tel pouvoir sur vous que cÂ’en est invivable. Rien que ça est une souffrance. Et puis se greffent les souffrances engendrées par lÂ’absence de lÂ’Autre qui nÂ’est jamais assez là même quand il est là . Tout cela est infernal. LÂ’amour-passion finalement dévaste et ruine et emporte avec lui quand il se finit une partie de vous. Pour moi, lÂ’amour vrai serait celui où on laisserait vivre la vie de lÂ’Autre sans sÂ’en offusquer, sans sÂ’offusquer de ses absences, de ses tiédeurs incompréhensibles, de son besoin dÂ’aller prendre lÂ’air. Mais cÂ’est un doux rêve car de lÂ’amour refoidi par nos concessions nÂ’est plus le même amour. LÂ’amour adulte ne peut guère vivre sur les décombres de lÂ’amour-passion. Il meurt. Il me semble impossible de vivre avec la même personne lÂ’amour-passion et lÂ’amour-adulte comme vous dites. Mais lÂ’amour adulte est à mon avis le seul qui permette de vivre, le seul qui accorde la liberté à lÂ’Autre, cÂ’est n’est plus de lÂ’amour-désir, c’est de l’amour sans folie, de lÂ’amour contingenté, de lÂ’amour mesuré. D’où la cravate et la Renault Espace. Parce quÂ’on ne peut pas vivre toujours sur le tempo de lÂ’amour-passion. Je suis entièrement dÂ’accord avec vous pour reconnaître que cÂ’est cependant et certainement la plus belle aventure quÂ’il nous soit donnée de vivre en tant qu’être humain.
Emma
Cher Gonzolo,
(Première Partie)
C’est vrai, j’avais oublié ce détail. On paye avant, pas après!:) (déformation salariale) Pour ce qui est du cas R. Anderson, je vous ai bien indiqué qu’il ne reposait que sur les déclarations de l’intéressée, y compris sur celles diffusées en clair (où elle disait avoir été déboutée par la justice). C’est une « mytho »! Tant pis pour elle. Vous aviez des raisons valables d’être sceptique.
Mais, comme vous l’avez compris, il s’agissait de rebondir sur la difficulté d’appliquer une justice en ce domaine, de prouver la réalité des faits, de la manière dont on peut valider ou invalider le discours d’une victime (lorsqu’une victime se rétracte et avoue son parjure, peut-on légitimement maintenir en prison l’accusé?).
Et là , vous avez touché le problème dans le mille : Le plaisir éprouvé par la victime d’un abus sexuel n’empèche pas la souffrance morale. C’est cela que le préjugé sexuel nie par « sexualisation » : le plaisir suffit à prouver le consentement; la culpabilité ressentie par la victime à cause du plaisir suffit à prouver sa mauvaise foi. Le seul fait que ce se soit passé suffit à prouver sa complicité (elle s’est laissée faire). Ce sont des arguments de violeur, (mais aussi, malheureusement le jugement de beaucoup d’hommes et de femmes respectables). La honte sociale (le jugement-préjugé) suffit à expliquer les degrés divers de « déraison » de la victime : du simple doute (« c’est peut-être de ma faute ») au rejet de soi (« c’est de ma faute »). La victime se comporte dans la crainte d’être « découverte », et, une fois le scandale révélé… sombre avec son bourreau. Tant que rien n’est découvert, que rien ne déconne dans la « vie de famille », c’est l’omerta. Le malaise dans tout ça, c’est que c’est banal : une fillette qui a éprouvé du plaisir lors d’attouchements secrets et qui « s’en porte pas plus mal » une fois en âge de forniquer, c’est banal aussi, même si c’est illégal. Simple excès de vitesse, risque assumé!!!
Cher Gonzolo
(Deuxième Partie)
Le « cas Anquetil » est révélateur de cette forme de «folie», devenue médiatique : «Il ne sÂ’agit pas dÂ’une affaire dÂ’inceste!» mais de perpétuation de l’espèce Anquetil (http://www.nouvelobs.com/articles/p2060/a240315.html):
« Par amour pour Jacques, Janine accepta donc de lui «offrir» Annie, sa fille. Comment a-t-elle présenté le projet? A-t-elle contraint ou persuadé sa fille? Nanou réfléchit, hésite, fixe son regard vide sur la table, puis, à voix basse, confie: «Non, nous nÂ’avons pas abusé de lÂ’ascendant que nous pouvions avoir sur elle. CÂ’est une prière que je lui ai adressée. Gentiment…» Elle sÂ’arrête. Reprend son souffle et ajoute dÂ’un trait: «Annie avait toujours le choix de refuser»
Dans cette perspective, l’abus sexuel sur sa propre descendance devient acceptable, du moment que c’est fait « avec amour ». Pas un «abus» d’ascendance, mais une «prière». Gentiment… ma petite! Une berceuse suffit. Et elle «avait toujours le choix de refuser». Non, en effet, c’est évident, tout porte à croire qu’il ne s’agit pas d’une affaire d’inceste! On croit rêver.
Le facteur « sexuel » a toujours brouillé notre perception du crime. Or, dans les faits, un abus sexuel n’est pas un trouble sexuel ou affectif qu’il s’agit de soigner, mais un abus de pouvoir et une tromperie qu’il s’agit de condamner comme tels! La souffrance morale de la victime ne se résume pas à une culpabilité sexuelle, mais réside dans une dépossession de soi, que notre justice d’ailleurs qualifie d’abus d’une « personne en état de faiblesse ». Dans le cas Anquetil, le facteur « familial » ajoute un autre brouillage perceptif, institutionnel cette fois-ci. Une famille n’a pas besoin d’être dans une secte pour être une secte (c’est le risque propre aux rapports d' »ascendance »).
Les affaires de viol et d’abus sexuels ont un impact qui ne se dément jamais : elles remuent en nous des sentiments et des pensées souvent contradictoires, pour ne pas dire malsains. A suivre…
Cher Gonzolo,
(Troisième Partie et fin)
Le sexe légitime est un contrat spécifique qui suppose le consentement des deux parties (voir plus selon les goûts). Elles doivent être capables de s’entendre sur tous les termes du contrat (il peut être question d’argent). On ne peut les « projeter », à savoir, préjuger de l’entente, ni les faire dériver d’autres contrats. Il ne peut y avoir de contrat ascendant (ou moral) sur un contrat sexuel. C’est tromperie et abus de pouvoir. C’est pourquoi le sexe, en toutes circonstances, doit demeurer illégitime avec les enfants (contrat familial) et avec les malades (contrat médical = déontologie), et, dans certaines situations, avec ses employés (contrat de travail).
Pour en finir avec la psychologie primitive : rien ne permet de distinguer la « sexualité » d’un violeur de la nôtre. Le viol est un rapport sexuel sans contrat, sans entente. Le violeur succombe à la tentation et baffoue la morale et la loi, non parce que sa sexualité est mal « construite » ou « orientée » (par un Surmoi), mais parce qu’il est, comme nous tous, libre!
Le violeur n’est pas contraint par une pulsion, il choisit ses victimes; et c’est d’une évidence à se crever les yeux comme OEdipe.
Ce sont la facilité, la difficulté moindre, la moindre force et la moindre « conscience » (le terme est de Sartre) de la victime qui orientent ses choix (efficacité). Franchement, comment concevoir autrement que des gens « casés » et de « bonne moralité » soient capables de commettre des viols en tant de guerre ou de faire du tourisme sexuel?
Une frustration sexuelle est frustration devant la difficulté. Certains, en panne de séduction, contournent la difficulté, en ayant recours à la magie du langage, différemment, pour intimider cette fois : « T’es une Salope! » Extrêmes, le viol et la violence sont le refus absolu de toute difficulté.
Enfin. Jeunes timorés, n’avons-nous pas chassé en premier les filles « faciles »? Vieux vicelards, ne payons-nous pas pour que ce soit plus facile?
« Or, dans les faits, un abus sexuel n’est pas un trouble sexuel ou affectif qu’il s’agit de soigner, mais un abus de pouvoir et une tromperie qu’il s’agit de condamner comme tels! »
« Ce sont la facilité, la difficulté moindre, la moindre force et la moindre « conscience » (le terme est de Sartre) de la victime qui orientent ses choix (efficacité). »
Je suis d’accord avec tout alors j’ai juste choisi les deux points qui me semblent les plus importants dans ce débat. Je pense que nos juges sont biens conscients de cette réalité. C’était aussi pourquoi au départ cette histoire d’actrice porno violée mais déboutée me semble une fadaise. A ce propos, il existe un très beau film avec Jodie Foster, « les accusés », assez proche du sujet (elle a « allumé » les violeurs, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un viol et donc punissable).
Très bon film et très bon exemple, qui montre à quel point les rapports humains dans un monde civilisé sont plus complexes (mais aussi plus beaux et plus subtils) que dans un monde « primitif » (n’ayons pas peur des mots), où il suffit de recouvrir d’un sac de patates le corps d’une femme pour imposer son « respect », et où il suffit qu’il soit moins vêtu (ou embelli) pour se ruer dessus.