Aménager ou déménager ?

Tout le monde doit avoir le téléphone mobile et l’accès à l’Internet par haut débit. Je disais il y a déja quelques années de cela lors de discussions que une fois le téléphone mobile rentré dans les moeurs il deviendrait « obligatoire », c’est fait!
Je ne pensais pas que l’Internet haut débit suivrait le même chemin aussi vite.
Maintenant, on pourra habiter partout en France et se sentir comme en plein coeur de Paris. Ou presque…. Ce lundi se tenait un rendez vous, à Limoges: le CIADT. Heu réfléchissons une seconde… c’est le Comité Interministériel à l’Aménagement Du Territoire. De quoi ça s’occupe dont-il un CIADT ? D’aménager on vous le dit! Bon, vous comprenez pas ? Et bien il y a dans les campagnes reculés des électeurs, et il faut aussi les fidéliser. Et les ministres se donnent donc périodiquement rendez vous pour contenter ces électeurs: c’est l’objet du CIADT. Voilà, vous y êtes!

Ce CIADT a pour la France marqué l’entrée dans l’ère numérique et mobile. Oui, avant nous étions un pays obcur, où seuls 98% de privilégiés pouvaient avoir un téléphone mobile s’ils le choisissaient, et où d’ailleurs seulement 50% des 98% avaient choisi d’en avoir. Avant ce rendez vous à marquer d’une pierre blanche, seulement millions de français pouvaient avoir un accès Internet haut-débit. Seuls les Parisiens, la banlieue, les grandes agglomérations et beaucoup d’autres (allez… disons au bas mot 25 millions de personnes) peuvent s’abonner à l’aDSL ou au cable. Parmi ces 25 millions, seuls quelques centaines de milliers avait choisi d’effectivement s’abonner.
Mais qu’importe. Nous étions une nation d’attardés inégalitaires et technophobes. Après le plan cable dans les années 80, au nom duquel des milliers de kilomètres de cablages inutiles ont été posés (les abonnés au cable télé sont à peine un million), voici venu le plan Mobile pour tous Internet haut débit pour tous. Deux nouveaux désastres financiers en perspective.

Voilà donc que pour 400.000 français injustement privés de téléphone mobile 1.5 milliards de francs vont être dépensés. Soit un investissement de…. 3750FF par personne…. sachant que 50% vont réellement s’abonner si l’on considère le taux actuel de pénétration, cela fait en réalité 7500FF par personne. Voilà le joli cadeau pour le téléphone mobile. Sachant que 91.6% du territoire est couvert par Orange, alors que Bouygues et SFR sont à 85% environ, on se doute que les subventions vont permettre d’étendre le réseau d’Orange… On ne sait pas si on doit plaindre Orange… car si les investissements n’étaient pas programmés, c’est qu’ils n’étaient pas rentables, mais avec les subventions le deviendront-ils ? Et s’ils le sont alors c’est de la concurrence déloyale, surtout pour un opérateur qui a déja 50% du marché. Mais… heureusement tout est prévu: les opérateurs se partageront les zones. Il n’en reste pas moins que les urbains payeront encore pour les zones reculées.

Pour l’Internet haut-débit, les enjeux concernent surtout l’emploi. Etant donné le peu de pénétration du haut débit dans la population, le gouvernement ne peut pas arguer d’une demande populaire que le marché ne peut assouvir. Jospin s’est donc exprimé sur le sujet: « Nous nous donnons aujourd’hui les moyens de répondre à un défi comparable à ce que fut hier, pour le développement de notre pays, le raccordement à l’électricité ou au chemin de fer. Le développement des infrastructures de télécommunication pour la téléphonie mobile et la mise en place de réseaux pour l’utilisation de l’internet à haut débit sont de plus en plus déterminants pour l’avenir des zones peu peuplées ou économiquement défavorisées« .
Ce sont donc les entreprises qui auraient besoin de lignes à haut débit. Outre le fait que le réseau Numéris couvre déja la totalité de la France ou presque, que le satellite par contre courvre effectivement tout, et qu’il n’y a donc nul besoin de lignes en plus, toutes les entreprises peuvent faire poser des lignes spécialisées. Bien sûr, la facture se fait au kilomètre, mais après tout, si une usine éloignée en a besoin, c’est compris dans l’investissement de départ. Le plan Internet à haut débit en plus d’être ruineux est inutile.
Car ce ne sera pas moins de 10 milliards qui seront engloutis dans cet objectif prétentieux de faire accéder tous les français à l’internet haut débit en 2005. Le « fossé numérique » entre la ville et les champs sera ainsi comblé. Lionel Jospin a remplacé le marché, car il ne pourrait courir le « risque » de la défaillance de celui-ci.

Encore une fois, après l’EDF, la SNCF, le téléphone, ce sont donc l’Internet haut débit et le téléphone mobile qui sont décrétés « services universels ». Et ce sera donc aux citadins de payer pour les personnes qui veulent avoir une qualité de vie meilleure. A la campagne on a le silence, les routes vides, la forêt, les grands espaces, un grand jardin, une grande maison… Bien sûr, on habite souvent plus loin de son travail, on doit accompagner les enfants à l’école, faire les courses c’est plus long, les hôpitaux sont plus loins…. En ville par contre on a la proximité des commerces, les transports en commun, les services de santé, les écoles etc… Mais on a aussi les loyers élevés, la pollution, la promiscuité, l’attente aux caisses…
Il est impossible d’égaliser le niveau de vie entre campagne et ville, c’est totalement illusoire. C’est même profondément injuste pour ceux qui payent, que ce soit pour les provinciaux qui payent les carte orange des parisiens ou les parisiens qui désormais payent les téléphones des autres.

Le socialisme divise, en voici encore la preuve. N’aurait-il pas été plus simple de laisser faire le marché ? Quand les loyers deviennent trop cher en ville, les entreprises n’auraient pas hésitées à poser des lignes haut débit pour travailler loin de la cohue. Les particuliers auraient suivi. Le rééquilibrage aurait été naturel. Mais puisque l’Etat intervient, le mouvement ne sera jamais terminé: c’est déménagements contre aménagements