N°1 du concours: Contre l’en-deça du profit

(premier prix de ce concours)

Contre l’en-deça du profit : esthétique de l’Ubermensch et éthique du pli dans la pensée néolibérale

Par B. Logogrov, membre fondateur du Derrileuze Institute, Maître es Subversion Subventionnée

(a.k.a Blogographe)

« Une limite ne se touche pas. »
Jacques Derrida

Derrière les contempteurs de l’humanisme dont ils dénoncent le sous-érotisme désuet et/ou misérabiliste, les grands gagnants du jeu institué par le darwinisme inexorable et pourtant artificiel du néolibéralisme ne renoncent jamais à la volonté de puissance dont le nietzschéisme latent leur échappe, pour insaisissable qu’il est, car auto-contradictoire. Dans le même temps celui qui meurt de faim n’a plus de voix, et le puissant est en-tendu tandis que le subissant est dé-tendu car le divertissement mercantiliste (de l’entertainment/brainwashing) étend son lebensraum à l’envi du pouvoir des multi-nationales, qui n’a pas pour terre d’épanouissement le terreau humain mais les résidus pourrissants des feuilles de comptes de la logique du chiffre, en un macabre sepher yetzirah de la finance militaro-industrielle, une kabbale de la banque mondiale, un messianisme du pourcentage, une numérologie de la bourse.

Or Isidore Ducasse a dit : « Ô mathématiques saintes, puissiez-vous, par votre commerce perpétuel, consoler le reste de mes jours de la méchanceté de l’homme et de l’injustice du Grand-Tout ! »

L’appel maldororien prophétise la déviance libérale qui a sous-tendu l’évolution du dogme originel vers un néo-libéralisme qui est à l’inverse des objectifs téléologiques des grands innovateurs du véritable (vérifiable/observable/probable/etc.) libéralisme classique comme Platon, Kant, ou Hegel, que les néolibéraux méprisent et à qui dans un révisionnisme qui leur est naturel ils préfèrent l’oublié/manipulable Bastiat (cf l’affaire des vrais-faux manuscrits numérisés) d’obscurs autrichiens de la pré-guerre, ou les délires indicibles randiens ou même rothbardiens. Le néolibéral est l’en-soi de l’ancien libéral qui était assis sur une branche du l’humanisme occidental, après le détour par l’islam savant, avant de la scier et par conséquent d’être séparé de sa racine altruiste. C’est là que le pli social (cause de la fracture du tissu/accroc social) qui se fait jour dans la texture du rhizome humain que contitue la polis que le néolibéral marginalise économiquement la pensée commune/individuelle altruiste. La différAnce politique et sociale est dénoncée comme un sous-continent au climat étouffant, une mousson de la non-pensée, c’est à dire un climatique/climaxique monde des idées dont le gulf stream serait ou en ab-sens et/ou en vacance au profit d’un mainstream prétendument bénéfique.

Il faut être vigilant à cette rhétorique binaire opposant axe du bien et axe du mal car comme le cinéma américain révèle la psyché contemporaine dans le monde d’après Reagan/Thatcher/Jean-Paul II, il nous donne à voir notre sombre a-venir. Or, à l’esthétique de la catastrophe ne peut répondre que celle de l’Ubermensch . Comme par hasard, après l’entrée dans l’âge de la catastrophe (9/11, AZF), les plus grands succès cinématographiques montrent systématiquement des figures de l’Ubermensch implicites ou explicites dans un contexte de révisionisme historique pro-colonialiste comme dans Amélie Poulain, Harry Potter et surtout Le Seigneur des Anneaux d’après le roman réactionnaire de l’ultra-conservateur Tolkien. Ainsi quand les magnats de la finance et les tireurs de ficelles de la politique se déguisent en artistes, font-ils dire à leur poupées animatroniques qui ne sont depuis bien longtemps plus des acteurs

« Aujourd’hui, nous combattrons. Pour tout ce qui vous est cher sur cette bonne terre, je vous ordonne de tenir, hommes de l’ouest ! »
Le Retour du Roi – Peter Jackson

Voilà bien le programme néolibéral tel qu’il est martelé à nos enfants: sauvons-les de cette folie messianiste et de ces busheries !

Par la mimesis non-aristotélicienne, l’artiste/artisan de l’autre pensée, celle de la différAnce, utilise le désir (naturel mais abusé par Hollywood/Bollywood/Pinewood) de catharsis pour retourner contre elle-même l’image violente de la volonté de puissance américaine.

Ce pattern est: Golden-boys et/ou Cow-boys et/ou Boys (GI’s).

Il doit être retourné par une ironique mise en abîme multi-médiatique et elle-même rhizomique.

En effet, le pattern culturel machiste et phallocrate, en processus symbolique auto-validant perpétuel de la psyché américaine, dont le texture est violence, anti-altruisme, volonté adolescente d’exister par la con-frontation, nous rappelle macabrement à nos propres erreurs coloniales. Pour ne pas les renouveller, il faut utiliser une mimesis efficace transformant en meme circulatoire l’ex-périence individuelle, fusion du seul en tous, et il est nécessaire de radicaliser l’usage de la parole et le dé-tournement. Parodie/parousie, virtualité du réseau, l’âge est celui de la différAnce et du dot com.

Car, n’en déplaise aux manipulateurs, jamais le vrai-libéralisme, c’est à dire l’humanisme altruiste, social/organisationnel (versus le néolibéralisme, la loi de la jungle élevé au rang d’éthique) c’est à dire le libéralisme-socialiste ou socialisme de la liberté, ne cède car devant la nécessité historique, l’information parcourt les réseaux et se sauvegarde toujours. L’information compte plus que l’individu qui la transporte. On peut ainsi voir là un espoir de résistance dans la différence.

J’affirme que l’autre mondialisme, ce grand espoir nouveau de l’humanité, cette flamme vacillante mais ô combien brillante, doit sauver le libéralisme de ceux qui l’ont perverti, comme il doit sauver le socialisme de ceux qui l’ont aussi détourné. Ces personne sont les néolibéraux qui par goût du profit, par hubris anti-humaniste ont favorisé la naissance d’un nouveau fascisme, économique, comme le prouve l’émergence inexorable du mythe de Bernard Tapie dans les années 80 malgré le socialisme bienveillant de la France mitterandienne, imagos du libéral populiste, ou dans la res publica française, le succès lepéniste.

Comment l’autre mondialisme, humaniste celui-là, peut-il espérer reprendre sens malgré la toute-puissance du feu médiatique ultralibéral ? C’est possible si l’on avance masqué mais au vu et au su de tout le monde car le pouvoir du meme humaniste-altruiste, réellement libéral, c’est dire de gauche, submerge la propagande machiniste et triomphe systématiquement de l’Histoire comme il a triomphé du soviétisme et commence actuellement à éroder le capitalisme totalitariste néolibéral sans contre-pouvoir.

Ensemble/séparément, collectivement/individuellement, par le logos immanent forcément présent dans la parole (erreur que d’avoir voulu confier à l’écrit-symbole seulement la pensée, au mépris de l’histoire de la philosophie vraie – toute orale), le message sera transmis comme un virus, crié sans voix par la vérité, car celle-ci ne peut être en-tendue que si l’on tend l’oreille. La parole est la confiance et l’écrit-image la défiance. Fermons l’Âœil, ouvrons l’oreille. Voilà notre pli, l’autre pli. Librement inspiré des travaux de Gilles Deleuze