Pendant qu’en Irak le gouvernement américain tente de réaliser par la force la «fin de l’Histoire» prophétisée par le néoconservateur hégélien Fukuyama, la France a vécu un de ces non-événements qui décrivent si bien la routine démocratique d’une «Histoire» accomplie, si, par là , on entend dire que la « démocratie » est le point de rationalité totale de l’Histoire politique comme le pensent à peu près tous les intellectuels médiatisés, à commencer, en France, par le plus lucide d’entre eux, Jean-François Revel. Un non-événement de la démocratie
Les élections régionales ont été un revers cinglant pour le gouvernement Raffarin. Une seule région métropolitaine est restée fidèle à sa tradition politique de centre droit, l’Alsace. Toutes les autres régions ont politiquement basculé à gauche. Le présentateur télé nous montre une carte avec deux couleurs, bleue pour la «droite» et rose pour la «gauche». Le contraste des couleurs est saisissant: vague rose!
Mais le contraste entre les couleurs ne reflète pas du tout celui des idées et des pratiques politiques. Si ça devait être le cas on aurait une carte avec du rose vif et du rose pâle. C’est ça la fin de l’Histoire…démocratique. Une sorte de convergence pratique vers la social-démocratie régulée par les mécanismes suivants:
– Violation des droits de propriété dÂ’un groupe minoritaire pour acheter les voix dÂ’un autre.
– Marchandage permanent des groupes de pression avec le gouvernement. Au final les individus de chaque groupe acceptent d’être rançonnés par les autres à condition que les autres groupes le soient aussi.
Tout cela a été fort bien expliqué par Anthony de Jasay, dans L’Etat, Les Belles Lettres, collection «laissez-faire».
Le pouvoir pour quoi faire?
Que veulent les socialistes qui ont gagné les élections? Rien, si ce n’est le pouvoir. Pour s’en convaincre il suffit d’écouter en coulisses les chefs du parti (voir la PL).
Pour quoi faire: répondre à la demande bien entendu, car la démocratie fonctionne comme un marché. La loi de l’offre et la demande régit le marché politique, comme l’a bien décrit Schumpeter dans Capitalisme, socialisme et démocratie . Sauf que ce marché est lui aussi réglementé. Ce n’est pas un marché libre, ce qui devrait être le cas dans une démocratie authentique. Ainsi, les partis politiques majoritaires, se refilant le pouvoir périodiquement, s’arrangent pour empêcher la concurrence. La difficulté de présenter des candidats aux élections en raison des coûts et des contraintes administratives est très dissuasive. Sans parler des manœuvres réglementaires destinées à éliminer des partis minoritaires des assemblées et dont le Front national est chroniquement victime.
Ainsi, non seulement la démocratie réelle converge-t-elle vers une démocratie sociale de marchandage où un pouvoir alterne avec son clone, mais, en même temps, la loi «démocratique» n’est même plus respectable.
En effet, il y a des «lois» justes et des «lois» injustes, fussent-elles votées à la majorité absolue d’une Assemblée nationale, elle-même composée de politiciens élus à la majorité relative (minorité réelle) des électeurs. Il y a un consensus au sujet de ces règles de décision car une grande majorité de la population désire une société pacifiée. Mais ce qu’on observe néanmoins est une certaine lassitude. Lassitude exprimée par l’abstentionnisme qui démontre que l’Histoire politique n’est peut-être pas finie.
Cette lassitude traduit la prise de conscience par les gens que la démocratie réelle, en produisant un monopole politique de fait et réglementaire, convergeant idéologiquement et méthodologiquement, crée une division sociale entre la classe politique et le reste de la société (Hans-Hermann Hoppe, L’analyse de classe marxiste et celle des Autrichiens )
Alors, le pouvoir, pour quoi faire? Manifestement pour se maintenir en place et rien d’autre. Le reste est subalterne. Telle est la loi de la démocratie réelle.
La politique naturelle
On peut hésiter devant l’adjectif «naturelle». Il faut simplement entendre par là , comme Hayek (Droit, Législation et liberté, tome 1, PUF Quadrige), un phénomène «spontané» c’est-à -dire non délibéré, non conventionnel, non planifié.
La « politique naturelle » s’oppose à la politique des soviets, celles des élus soi-disant représentatifs. La politique naturelle est fondée sur l’évidence des droits de chacun, les droits de propriété. Ceux que chacun défend et reconnaît dès qu’il agit sans préjugé idéologique. Ceux que chacun revendique dès que ses biens et son intérêt sont mis en jeu.
Pour exemple je citerais volontiers l’enjeu électoral du canton de Strasbourg-Neudorf où j’ai soutenu, par sympathie, la candidate UMP, surtout par répulsion à l’égard du candidat socialiste. La politique municipale de transport public, en parfaite cohérence avec celle de la municipalité de gauche précédente, consiste à étendre le réseau du tramway pour desservir les quartiers périphériques et désengorger le centre-ville du trafic automobile individuel. Mais ce faisant, il faut bouleverser la structure des quartiers dont certaines niches ont été préservées de la circulation routière, ouvrir certaines impasses etc., faire une saignée dans un parc dont l’intégrité est chère aux habitants du coin.
La candidate UMP a perdu son mandat à cause de ce projet. Alors je me pose la question. Etant donné que ce projet relève des compétences de la municipalité, dont le mandat dépend de tous les électeurs de l’agglomération et non pas du conseil général (départemental), étant donné que la défaite de la candidate UMP ne changera rien à la mise en œuvre du projet, comment interpréter les résultats de cette élection?
Les exégètes «démocrates» nous disent qu’il s’agit d’un vote protestataire. Soit. Mais protestataire pourquoi? Tout simplement parce qu’il est naturellement inadmissible que les gens non concernés directement par les changements aient le droit d’imposer leur décision. Pourquoi les électeurs de Tartempion-les-asperges auraient un droit d’influence sur le devenir d’un petit quartier de Strasbourg-Neudorf? La démocratie, telle que nous la connaissons pourtant, le permet. C’est que cette pseudo-démocratie a encore des aspects collectivistes qui violent le droit naturel des individus.
Alors, en réfléchissant, on peut se dire que si les électeurs allaient au bout de la logique de leurs raisons ils devraient choisir entre la démocratie collectiviste telle que nous la connaissons, telle que nous la subissons actuellement, et la privatisation des espaces publics, la propriété privée, c’est-à -dire la politique naturelle qui est implicite dans les comportements quotidiens des gens et qui transparaît dans leur attitude électorale.
Cette politique naturelle n’est rien d’autre que libertarienne: souveraineté des droits de propriété, règne du libre échange et du contrat.
Bonjour, Marc,
s’il est vrai que dans l’exemple choisi, l’idée qu’une élue se faisait du bien public allait à l’encontre des goûts privés, et qu’elle bafouait la propriété des personnes réellement concernées en voulant saigner certaines parties de la ville pour y amener ce qu’elle considère comme le progrès en matière de transports (collectifs, plutôt que privés), on peut se demander si c’est bien une démocratie collectiviste que nous subissons pour le moment.
Comme le début de ton excellent texte l’indiquait, c’est plutôt d’une particratie sans repères que nous sommes les jouets : particratie, car le pouvoir est aux mains de professionnels plus ou moins incapables, assemblés en meutes organisées, qui s’arrangent pour le conserver; sans repères, car sans feed back continu des aspirations populaires (en effet, que ce soit sur des points précis ou sur des questions d’ordre général, on ne demande que très rarement son avis à la population)
Dès lors, les décisions prises découlent de :
a)les goûts personnels du décideur investi d’un pouvoir suffisant;
b)les caprices du parti dont il fait partie;
c)les volontés exprimées par divers groupes de pression (syndicats, associations diverses) dont la représentatitivité réelle a moins d’importance que la pugnacité de leurs membres ou leur capacité à se faire citer par les médias;
d)l’idée que les informateurs des médias se font d’un problème, et l’illustration qu’ils feront des solutions proposées par le décideur;
e)l’envie éventuelle qu’a l’élu de se faire citer avantageusement par lesdits médias;
f)etc
L’organisation de cette média-particratie sans repères ouvre la porte à l’arbitraire personnel ou collectif. Lorsqu’elle dérange trop de monde, elle détermine des réactions de tout ou rien telles que celle que nous venons de voir. Mais comme les élections n’ont pas lieu à tout moment, ces dernières ne servent qu’à remettre en selle les perdants d’hier, sans restaurer la propriété individuelle et son expression.
Tout à fait d’accord avec tes remarques.
Je continue néanmoins à parler de collectivisme dans la mesure où les droits de propriété individuels sont bafoués, autant de fois que les « droits » de la « communauté » servent à les piétiner. On est bien d’accord que toute une série de médiations existe entre l’électeurs et le pouvoir politique et qu’on observe une sorte de convergence idéologique des partis les plus importants, une certaine autonomie aussi des politiciens dans leur action. Cette autonmie, cette convergence et cet accord implicite des citoyens contribuent à créer le marécage collectiviste où chacun accepte d’abandonner partiellement la jouissance de sa propriété, au profit des autres, du moment que c’est en échange d’une renoncement équivalent par les autres. « La liberté des uns est limitée par celle des autres », nous ressasse-t-on. Rhétorique qui camoufle une vérité bien plus désagrable: La liberté que vous perdez sert aux politiciens pour acheter leurs clientèles électorales. Et comme toutes les clientèles y trouvent plus ou moins leur compte, rien ne se passe.
Mais il s’agit tout de même d’un collectivisme de fait, même s’il n’est pas pensé. C’est une conséquence involontaire (pour être charitable) du mécanisme démocratique. Chacun devient l’instrument des autres dans le but de réaliser un état social meilleur. Collectivisme.
Marc,
Je ne te suis pas lorsque tu dis que « Chacun devient l’instrument des autres dans le but de réaliser un état social meilleur. »
Il me semble que le système qui prévaut, actuellement et ici, crée une dichotomie entre les décideurs et le reste de la population, entre les nouveaux seigneurs et la piétaille. Il suffit de voir que Mitterrand a toujours échappé aux enquêtes pour corruption et détournements de fonds qui auraient dû remonter jusqu’à lui. Il suffit aussi de constater que Chirac fait de même – avec moins d’arrogance et de savoir-faire. Donc, « chacun » n’est pas l’instrument de tous. Il y a les égaux et les plus égaux. Ceux qui profitent sans vergogne du misérable système proto-collectiviste qu’ils veulent nous imposer et feignent de respecter « pour le bien moral et matériel de tous », et ceux qui subissent les conséquences de leurs errements.
La volonté de puissance chère au grand Friedrich me semble ici à l’oeuvre (presque) sans fard.
Par ailleurs, le terme même de collectivisme me heurte lorsqu’on parle de nos régions : trop de connotations positives y restent romantiquement et culturellement attachées. Pour beaucoup, il semble qu’il n’y ait que du bien à espérer d’une société égalitaire, où tout serait mis en commun (alors qu’elle serait vouée à un échec aussi tiède que la mort entropique).
Je préfère donc parler -comme je l’ai fait- de média-particratie sans repères, parce que ces termes correspondent mieux à ce que nous voyons, et parce qu’ils ne sont pas entachés d’images subliminales valorisantes.
Encore une fois je suis d’accord. Cette « dichotomie » dont tu parles existe, c’est d’ailleurs le point central de mon message. Mais un des effets secondaires de celle-ci est que chacun devient l’instrument de la politique, et que celle-ci, en démocratie, se réduit grossièrement à un marchandage entre tous. Comme l’a bien exprimé Bastiat, L’Etat est une fiction grâce à laquelle chacun vit au dépens de tous. Les deux descriptions ne sont pas incompatibles.
… Dieu, tout ça….
La concept facile qui explique tout mais surtout qui cache l’essentiel : l’idéologie.
Il faut toujours que le libéral tente de justifier sa position et qu’il se réfugie derrière la naturalité ou la transcendance de ce qui n’est que son point de vue.
Pfffffff……. Cela ne vaut rien.
Essaye encore.
affirmation gratuite…
essaie encore
Le Petit Lénine…
Tiens! Il n’a pas encore trouvé d’autre site à aller troller, celui-là ?